• Ei tuloksia

2 SYNTAXE DU MODE SUBJONCTIF DANS LE CORPUS ÉTUDIÉ

2.2 Proposition subordonnée

2.2.2 Propositions adjectives

2.2.2.2 Construction superlative

Le subjonctif dans les relatives après l’antécédent au superlatif est un phénomène assez tardif en français. Ce n’est en effet qu’à partir du XIIIe siècle que les exemples commencent à abonder, même s'ils se rencontrent déjà au XIIe siècle chez Chrétien de Troyes. D’après Moignet (1959 : 604), l'emploi des modes dans les constructions superlatives serait encore au XIIIe siècle une question de style. L'enquête de Moignet démontre cependant que le subjonctif est utilisé dans la majorité des cas. Le tableau 22 présente le nombre des occurrences rencontrées au subjonctif et à l'indicatif dans notre corpus.

TABLEAU 22 La répartition des modes dans les subordonnées relatives rattachées au superlatif ou aux formes analogues.

construction superlative + relative

1300–1350 1350–1450 1450–1550

subj. ind. cond. subj. ind. cond. subj. ind. cond.

Dans les relatives rattachées à un superlatif, l'indicatif est le mode le plus fréquemment employé même si le subjonctif gagne du terrain : nous avons relevé 167 exemples à l'indicatif et 89 au subjonctif. Comme les superlatifs et les expressions analogues présentent des affinités avec les expressions de sentiment et d'affection, qui sont rares en moyen français, surtout au subjonctif (v. p. 108), les mêmes raisons pourraient expliquer l'emploi de l'indicatif après le superlatif.

D’une part, l’indicatif marquera l’accomplissement neutre d’une action, sans qu’aucune idée d’appréhension s’attache au sens. D’autre part, le superlatif impliquera une prévision, d’où le verbe au futur dans la subordonnée. La nuance apportée par le futur est proche de celle du subjonctif. Les diagrammes 5 et 6 présentent les constructions superlatives suivies soit du subjonctif, soit de l'indicatif dans les textes des différents genres littéraires.

DIAGRAMME 5 Les constructions superlatives suivies du subjonctif par genre littéraire.

nouvelles et contes 23,1 % roman 34,1 % théâtre 13,1 % poésie lyrique 5,7 % chroniques 12,7 % prose non narrative 11,2 %

DIAGRAMME 6 Les constructions superlatives suivies de l’indicatif par genre littéraire.

D'après la comparaison des fréquences du subjonctif et de l’indicatif dans les textes des différents genres littéraires, l’emploi des deux modes est semblable dans les nouvelles et contes, les romans et les pièces de théâtre. La poésie lyrique préfère l’indicatif, tandis que le subjonctif est proportionnellement plus commun dans les chroniques et dans les textes de prose non narrative.

Nous pouvons répartir les relatives rattachées au superlatif ou aux formes analogues dans les catégories suivantes :

1. le plus + A + que/qui + relative

Quand l'antécédent est déterminé par une expression indiquant une qualité superlative le distinguant d'un tout, le subjonctif est utilisé dans la relative :

(374) Et se tu vois que illi volle volentiers et que il aime a y voller, si l'i meintienget en soit peu, quer c'est le plus biau vol que un esprevier puisse faire, que aus aloes, et ou il a plus plesant deduit. (Modus, p. 226–227)

(375) Vecy vins les plus delicats que oncques langue d’homme goustast. (MystJM, p. 99, 7388)

Même s'il s'agit du superlatif, la considération du caractère positif de l'antécédent peut amener l'indicatif. Dans les exemples suivants, c'est le point de vue objectif envers les faits passés qui peut expliquer l'indicatif.

nouvelles et contes 22,7 % roman 34,2 % théâtre 13,0 % poésie lyrique 14,3 % chroniques 9,5 % prose non narrative 6,3 %

(376) son seigneur le roy avoit la plus belle fortune que oncques avint à homme (ChrB, p. 129)

(377) Et en ce m'avez fait le plus hault honneur qui jamais fut fait a jeune gentilhomme estrangier, dont je ne vous saroie assez mercier. (CNN, p. 334, 125–128)

Aussi bien le subjonctif que l'indicatif se rencontrent dans les phrases relatives dépendant d'un adjectif ou d'un adverbe au superlatif. L'indicatif exprime un fait objectif, tandis que le subjonctif contient un élément d'incertitude. Selon Jensen (1974 : 28), l'emploi du subjonctif après le superlatif, quoique non rare en ancien français, n'y serait pas aussi répandu qu'en moyen français. Notre corpus de 1300 à 1350 indique cependant le contraire.

Même si le subjonctif n'est pas employé, le verbe est modalisé par exemple par l'emploi du futur, de l'adverbe oncques, des verbes pouvoir et savoir :

(378) Aigres – – s'en yssi de son hostel, le plus richement appareillié que il pot oncques ne sceüst. (Bérin, p. 2–3)

(379) Dame, de tout honneur princesse, puis qu'il vous plaist, je danceray

le plus gaillard que je sçauray ; (MystJM, p. 99, 7403) garde n'avés que je repose.

L'exemple 378 présente le verbe pouvoir à l'indicatif, tandis que savoir est au subjonctif. L'indicatif pot est justifié par la réalité de la situation. Il n'est cependant pas connu si Aigres est capable de s'équiper mieux. Pour l'éventualité du fait, savoir est au subjonctif. Le verbe savoir au futur, tel qu'il est, exprime une possibilité dans l’exemple 379. Le verbe pouvoir est le plus fréquemment employé dans la subordonnée après un antécédent contenant un substantif accompagné d'un adjectif au superlatif. Nous avons rencontré 16 conditionnels, 22 futurs et 35 indicatifs des verbes pouvoir et savoir après le superlatif, soit 61,3 % de tous les cas (73/119).

2. le meilleur + (N) + que/qui + relative

Le subjonctif semble être le mode plus fréquemment utilisé après la construction le meilleur + (N) + que/qui + relative jusqu’au XVIe siècle, bien que l’indicatif gagne du terrain (40,0 %) à partir de 1350. Dans les textes de 1450 à 1550, l’indicatif est employé dans 57,1 % des cas (8/14). Dans les romans Le Jouvencel de Jean de Bueil et Le Roman de Jehan de Paris, la complétive est au passé simple :

(380) Et avoit en celle tour de bonnes gens de guerre, qui leur monstrerent et aprindrent beaucoup de la convine de ceulx du siège, et firent au Jouvencel et à sa compaignie le meilleur recueil que possible leur fut (Jouven, p. 143)

(381) Après soupper les instrumens vindrent et dancerent et firent la meilleur chiere qui leur fut possible. (Jehan, p. 21, 13–15)

Il est possible qu’il s’agisse d’une forme du subjonctif sans -s comme dans les exemples 102 et 103 (v. p. 95–96).

3. le greigneur + (N) + que/qui + relative

La construction relative le greigneur + (N) + que/qui + relative ne se rencontre qu’au début du XIVe siècle dans Erec, quatre fois suivie du subjonctif et une fois du futur. En voici deux exemples :

(382) Se je ma seur, si belle damoiselle et si vaillant com elle est, en tel manière occioie, ce sera la greigneur desloyaulté que oncques chevalier feïst en ceste terre, ne en autre. (Erec, p. 148, 392–395) (383) Et Meraugis, quant il se voit a terre, il se relieve moult vistement,

moult honteux de ceste aventure qui cy li est advenue, si met la main a l'espee, et s'appareille de moustrer la greigneur prouesse qu'il oncques pourra, car il cognoist bien que cil n'est mie garçons qui a terre l'a abatu. (Erec, p. 160, 44–49)

Dans l’exemple 383, le verbe de la relative est modalisé par l'emploi du futur du verbe pouvoir et de l'adverbe oncques.

4. le mieux + que/qui + relative

Dans les exemples à l'indicatif, le verbe de la relative est toujours pouvoir ou savoir. Ces verbes expriment une possibilité. Pouvoir se rencontre 9 fois au futur et 11 fois aux autres temps de l’indicatif. Savoir, par contre est moins fréquent : nous l’avons rencontré 2 fois au futur et 5 fois aux autres temps de l’indicatif. Le conditionnel est encore rare : il ne se rencontre qu’une fois. En voici quelques exemples :

(384) j'ay servie et serviray

En tout le mieulx que je scauray (F&A, p. 50, 1337) (385) Noustre chier [seignieur] de bonne ayre,

Nous ferons le mieulx que pourrons, (MystSB, p. 151, 3416) Et [tous] le pouvres recepvrons ;

Au riches feronz bonne chiere.

(386) Le dict amant requeroit doncques que ses aultres biens qu'elle avoit euz luy fussent rendus, et disoit qu'il se pourveroit aillieurs et se aideroit a oster de l'amour d'elle au mieulx qu'il pourroit, en maudissant l'eure qu'il l'avoit jamais veue. (Arrêts, p. 68, 122–126)

Notre corpus présente une exception dans laquelle le miex fonctionne comme sujet repris par ce du verbe être :

(387) Seigneurs, le miex que puissons faire (MirND, p. 55, 1596) C'est de nous armer

Le subjonctif est employé dans 26,3 % des cas (10/38) après la construction le mieux + que/qui + relative. La fréquence est assez basse pour une construction superlative.

5. le premier + (N) + que/qui + relative

En ce qui concerne la construction le premier + (N) + que/qui + relative, l’emploi du mode varie d’une période étudiée à l’autre. Dès les plus anciens textes jusqu’en 1550, l’indicatif est le mode dominant. Dans les textes de 1450 à 1550, le subjonctif est même complètement absent. En voici quelques passages :

(388) par Saincte Croix vous n'estes pas le premier qui tel honte y ait receu (Erec, p. 125, 960–962)

(389) Et le premier que trouveray (RGS, p. 308, 16) Acheminé en ce voyage,

Je luy diray : " Si tu es sage, Amy, garde bien d'y aller, Car l'on t'y fera avaller

Souvent mainte poire d'angoisse, Toute succree de tristesse. "

(390) Et disoit que de long temps il fut nommé par l'université d'Amours aux premiers benefices qui vacqueroient au dyocese dont ceste dame cy estoit et que encore d'abondant il avoit obtenu grace expectative pour accepter la premiere qui seroit sans amy et sy avoit dispence d'en avoir deux, non obstant l'incompatibilité. (Arrêts, p. 25, 60–66)

Dans les exemples 389 et 390, le verbe de la subordonnée relative est soit au futur, soit au conditionnel (futur du passé) qui la modalisent.

6. le dernier + (N) + que/qui + relative

La construction relative le dernier + (N) + que/qui + relative est rare, puisque nous avons rencontré seulement trois exemples : un au subjonctif (Le Franc-Archier de Cherré, écrit vers 1523), un au futur et un au conditionnel (Le Vieux Coustumier de Poictou).

(391) Quant ilz me veirent, chascun tremble, Non point de froit, mais de peur Voicy venir le beau Gobeur, Qui me vint livrer ung assault, Mais ce fut le dernier sault

Qu'il feist jamais (Cherré, p. 65, 490)

(392) Toutesfoiz si ladite exoine estoit envoyée au dernier jour que l'on devroit perdre sa cause par contumace si l'on deffailloit absoluement (Poictou, p. 61)

(393) Et pour ce mect l'on en procès et registres du dernier deffault que l'on esgardera la journée à passer. (Poictou, p. 63)

Le verbe au futur ou au conditionnel (futur du passé dans l'ex. 392) modalise le contenu de la relative.

7. le seul + (N) + que/qui + relative

Après l'adjectif seul, le mode de la relative est le subjonctif dans les deux exemples de notre corpus :

(394) de tous ceulx que vous veïstes qui estoient marquez, il n'en y ot que un tout seul qui fust au lit de vostre fille (Bérin, p. 52) (395) Mais si la partie qui accuse l'aultre partie dudit jour ou le sergent

monstre par ung seul tesmoing promptement qui ait ouy bailler ledit adjournement par le sergent à ladite partie en icelle manière qu'elle le puet entendre, icelle partie ne sera receue audit esgart et ira avant en cause. (Poictou, p. 107)

Dans le cas où l’antécédent est précédé de l’adjectif seul, sa nature comparative crée un état de relativité dans la proposition, ce qui conduit à l’emploi du subjonctif.

8. un(e) + des + N + que/qui + relative

Quand l'antécédent est compris dans le tour partitif un(e) + des + N + que/qui, l'emploi du subjonctif est plus fréquent qu’après d’autres constructions superlatives : dans 50,0 % des cas (14/28) nous rencontrons le subjonctif. Le subjonctif sera justifié par le caractère générique de ces constructions. En voici quelques exemples de notre corpus :

(396) il sembloit que le Roy devoit laissier à Paris ung de ses capitaines qui eust charge de ijc hommes d'armes et de ijc hommes de trait pour faire venir et conduire les vivres à Paris et pour defendre les marchans de violences et oppressions (Journal, p. 186)

(397) je cognois vostre femme passé a dix ans, mes je prens sur le jugement de mon ame qu'elle est une des bonnes proudes femmes qui soit en tout le païs, et le scey bien, quar elle est ma fille de confession et l'ay bien serchee (QJM, p. 113)

(398) Ogier, duc de Dannemarche, qui fut l’un des grans hommes et des vaillans dont soit memoire es fais et histoires des anciens François (Jouven, p. 76)

Une autre explication pour l'emploi du subjonctif pourrait être l'idée sous-jacente négative inhérente à toute comparaison : c'est un des plus beaux livres que j'aie jamais lus = il n'y a pas de plus beau livre.

Dans notre corpus, les exemples à l’indicatif (12) sont presque aussi fréquents que ceux au subjonctif (14). L'indicatif pourrait être expliqué par la modalité du verbe pouvoir, comme dans l’exemple 399 :

(399) Et est ce un des cas auquel le vassal puet empirer le fief de son seigneur, car ce qui estoit paravant directement en son fief ne sera plus que en son arrière-fief. (Poictou, p. 224)

(400) Mais encores ne peut tout sy bien illec mucer ne cachier que le dit Dangier ne trouvast ung des patins du galant qui estoit par cas de fortune demouré en la ruelle du lict, et Dieu scet la tempeste qui en fut ! (Arrêts, p. 100, 69–73)

S’il s’agit d’un fait réel, comme dans l’exemple 400, le mode employé est l’indicatif.

Dans les relatives rattachées au superlatif et aux expressions analogues, le subjonctif devient plus commun en moyen français par rapport à l'ancien français, mais l'indicatif reste toujours le mode le plus fréquent (59,4 %). Le conditionnel se rencontre dans 9,1 % des cas (7/77) dans les textes de 1350 à 1450.

Quant à l'emploi des modes dans les relatives, Wunderli (1970 : 459–470) est arrivé à la même conclusion.

2.2.2.3 Proposition principale négative, interrogative ou conditionnelle +