• Ei tuloksia

1.2 Études sur le subjonctif français

1.2.6 Approches logico-pragmatiques

L’analyse logico-pragmatique explique la sélection du mode à l’aide du contexte discursif de la proposition entière. Le contexte discursif représente deux aspects : les interprétations subjectives du locuteur et de l’allocutaire de ce que la proposition veut dire et les conditions dans lesquelles la proposition a été construite. Martin (1983) a appliqué l’approche logico-pragmatique à l’étude du subjonctif français. Son étude se base sur trois notions : celle de vérité floue, celle d’univers de croyance et celle de mondes possibles. Pour Martin (1983 : 27), la vérité est toujours floue à cause de la polysémie : on glisse insensiblement d’une nuance de signification à une autre. Il définit (1983 : 36) la notion d’univers de

croyance comme l’ensemble des propositions que le locuteur considère comme vraies. Dans l’univers de croyance, Martin (1983 : 38–39) fait la distinction entre l’hétéro-univers et l’anti-univers. L’hétéro-univers comprend l’ensemble des propositions que tient pour vraies celui dont le locuteur rapporte le dire. Par exemple, dans Pierre croit que Sophie est malade, Sophie est malade appartient à l’hétéro-univers de Pierre. L’anti-univers consiste en propositions qui auraient pu être vraies, mais qui sont fausses dans un monde réel. Martin (1983 : 29) explique la notion de mondes possibles avec la phrase Pierre est peut-être rentré dans laquelle le locuteur pose le retour de Pierre dans un monde possible. Ce qui est dit est donné comme possible et non pas comme certain. Selon Martin, le subjonctif s'emploie quand la valeur de vérité ne peut pas être liée avec la proposition, c’est-à-dire quand la proposition est attribuée soit au monde possible soit à l’anti-univers. Le subjonctif des mondes possibles exprime doute (Il doute que Pierre soit parti), volonté (Il souhaite que tu viennes), but (Il le dit pour que Pierre vienne) ou nécessité (Il est obligatoire que Pierre vienne), tandis que le subjonctif de l’anti-univers exprime jugement critique (Je regrette que Pierre soit parti), concession (Bien que Pierre soit parti, Sophie reste chez moi) ou irréalité (S’il eût pu faire telle chose, il eût compris que…). (Martin 1983 : 104–120.) Malgré la nouvelle terminologie utilisée, le résultat de Martin concorde avec ceux de plusieurs autres études déjà présentées : le subjonctif est le mode de la possibilité ou de l’irréel.

Larreya (1987) essaie de démontrer qu’outre le subjonctif exprimant le virtuel il existe un emploi particulier de présupposition orientée positivement.

Dans son analyse, il confronte l’emploi du subjonctif avec celui du conditionnel ou celui de l’imparfait de l’indicatif (formes en –ais). Selon Larreya (1987 : 163–167), l’information de la proposition peut être présentée aux deux niveaux : celui du présupposé (information connue) et celui du posé (nouvelle information). Au niveau du posé, aussi bien le subjonctif que les formes en –ais expriment l’idéal ou le virtuel. Dans son étude, Larreya se borne à examiner le niveau du présupposé où l’information connue est considérée comme vraie ou fausse selon la comparaison à la réalité. Larreya illustre sa théorie par les exemples suivants : Je regrette qu’il soit absent dans lequel le subjonctif possède la valeur de vérité qui est coïncidente avec celle de la réalité présupposée (il est absent). Ainsi, il s’agit d’une présupposition orientée positivement. Dans la proposition Si j’étais à votre place, je resterais, la valeur de vérité s’oppose à la valeur de vérité de la réalité présupposée (Je ne suis pas à votre place). Dans ce cas, Larreya parle d’une présupposition orientée négativement. En somme, le conditionnel et l’imparfait de l’indicatif exprimeraient une présupposition orientée négativement. Larreya (1998 : 166) souligne le fait que l’orientation négative de la valeur de vérité de l’événement constituerait le sens de base du morphème –ais dans la description du système des temps et des modes. En revanche, les propositions au subjonctif seraient toujours orientées positivement.

Même si toutes les propositions au subjonctif ne présupposent pas la valeur de vérité (par ex. le subjonctif après les verbes de volonté), la réalité que le subjonctif inclut serait proche de la vérité : Je souhaite que vous partiez. La théorie de Larreya présente cependant une lacune : à notre avis, dans Je doute qu'elle soit

chez elle, le subjonctif ne serait pas positivement orienté ni la réalité que le subjonctif inclut proche de la vérité. Larreya (1987 : 182–183) constate le même problème, mais, pour lui, le subjonctif n'exprimerait pas une orientation négative. L'élément négatif se rencontrerait dans Je doute, tandis que elle – être chez elle serait en soi positive. De plus, le subjonctif et le conditionnel ne seraient pas très différents sémantiquement dans certains cas. Par exemple, dans Imaginons une société qui soit/serait vraiment égalitaire, il s’agit seulement d’une nuance distinctive : le subjonctif indiquerait une plus grande présupposition de réalité que le conditionnel (Larreya 1998 : 168).

Nølke (1993) essaie de trouver une seule signification pour tous les emplois du subjonctif français. Il se réclame de la théorie polyphonique, développée par Ducrot (1984 : 171–233). Cette théorie représente une situation à travers le prisme de tous les sujets possibles, présents explicite ou implicitement dans un énoncé. Selon Ducrot, au lieu d’une seule voix, un énoncé peut en faire entendre plusieurs. À l’intérieur d’une proposition, Nølke (1993 : 195) distingue entre le locuteur et les énonciateurs. Le locuteur est une personne qui construit une proposition audible. Les énonciateurs sont les auteurs des actes illocutoires, présuppositionnels ou argumentatifs qui forment le sens de la proposition. La relation entre le locuteur et les énonciateurs peut être variée : 1) Le locuteur peut s’identifier à l'énonciateur comme c’est le cas dans une affirmation sincère : Je comprends que l’heure est venue. L’indicatif s’utilise dans ce cas. 2) Le locuteur peut s’associer indirectement aux énonciateurs dans une présupposition : Ce n’est pas vrai que ton père soit un riche planteur. 3) Le locuteur peut se distancier des énonciateurs par une assertion positive sous-jacente aux déclaratives négatives : Ils ne croient pas que Marie vienne. Ainsi, l’emploi du subjonctif est rattaché à la notion de polyphonie quand une proposition a deux différents énonciateurs.

Toutefois, dans tous les cas de polyphonie, on n’utilise pas le subjonctif.

Pour Nølke (1993 : 195), il y a deux polyphonies possibles : interne et externe.

Lorsque quelqu’un d'autre que le locuteur est associé à l’énonciateur, il s’agit de polyphonie externe. Dans ce cas-là, la proposition ne comporte pas l’opinion du locuteur, étant alors plus objective ; par conséquent, l’indicatif est exigé comme dans Pierre n’est pas certain que Sophie reviendra. Si le locuteur est associé à plusieurs énonciateurs ou qu’il y a deux locuteurs différents dans la proposition, on parle de polyphonie interne : On pense/Nous pensons que tu sois embêtée. De plus, la notion de locuteur est également complexe parce qu’elle comporte un locuteur-en-tant-que-tel, associé à la nouvelle information, et un locuteur-en-tant-qu’individu, associé à la présupposition (information connue) : Pensez-vous que Stéphane puisse s’en sortir ?. Selon Nølke (1993 : 196), il s’agit de la polyphonie interne quand le point de vue présenté par la proposition subordonnée est associé au locuteur-en-tant-qu’individu et le point de vue présenté par la proposition principale est associé au locuteur-en-tant-que-tel.

Dans ce cas-là, la proposition comporte l’opinion du locuteur, étant alors plus subjective. Par conséquent, le subjonctif est exigé (cf. l’exemple de Larreya : Je regrette qu’il soit absent). Pour expliquer les exceptions de l’emploi de l’indicatif dans les propositions de polyphonie interne, Nølke (1993 : 199–200) a recours aux connaissances de l’allocutaire sur l’information donnée (opinion, fait réel)

dans la subordonnée. Dans De là vient que Daudet n’a pas fait école : de là vient aussi qu’il plaise à tant de lecteurs différents, le fait du premier énoncé est déjà connu par l’allocutaire, ce dont le locuteur profite en présentant dans le deuxième énoncé un nouveau fait qui s’explique par la même raison.

Nølke considère donc le subjonctif comme un marqueur syntaxique de polyphonie interne. Il admet cependant la difficulté de dire s'il s'agit de la polyphonie interne dans Pierre n’est pas certain que Sophie revienne. De même, nous pouvons nous demander pourquoi l'emploi de l'indicatif est possible dans On pense/Nous pensons que tu es embêtée bien que le locuteur soit associé à plusieurs énonciateurs ou qu’il y ait deux locuteurs différents dans la proposition. Selon Nølke, il s'agirait alors d'un cas de la polyphonie interne. Les connaissances de l’allocutaire (tu) sur l’information donnée (tu es embêtée) conduisent-elles à l'emploi de l'indicatif ? La terminologie inventée par Nølke nous semble artificielle pour expliquer des nuances rencontrées dans différents contextes. Nølke (1993 : 206) constate lui-même que la théorie basée sur la polyphonie interne n'a rien ajouté à ses connaissances sur l'emploi du subjonctif.

En fait, toutes les notions de base des approches logico-pragmatiques (mondes possibles, vérité floue, univers de croyance, présupposition orientée positivement, polyphonie) sont des concepts dont l'utilité dans l’explication de l’emploi du subjonctif ne nous semble pas complètement justifiée.