• Ei tuloksia

2 SYNTAXE DU MODE SUBJONCTIF DANS LE CORPUS ÉTUDIÉ

2.1 Proposition indépendante

2.1.4 Concession

Pour exprimer l'alternative, le moyen français disposait de plusieurs outils, par exemple de la paire de subjonctifs soit – soit, dont le caractère verbal est omis en français moderne. Le tableau 6 présente les expressions concessives repérées dans le corpus. La construction exprimant l'alternative est encore beaucoup plus libre au XVIe siècle qu'en français moderne (cf. Lardon – Thomine 2009 : 230).

TABLEAU 6 Les expressions concessives en proposition indépendante.

verbe 1300–1350 1350–1450 1450–1550

a) soit – soit 3 6

fust – fust 1

b) soit – ou soit 2 3

fust – ou fust 2

face – ou face 1

c) soit – ou 1 124 23

soit – ne 1

f(e)ust – ou 3 7 7

face – ou 1 1

d) soit – et 1 2

e) vueille – ou

non 4 3 4

voulsist – ou

non 6 2 2

vueille ou ne

vueille 2

plaise ou non

plaise 1

f) ait – ou non 5

v(i)eigne – ou

non 3

veïstes – ou

non 1

g) rie ou fist

bonne chiere 1

plaise ou

desplaise 1

total 14 157 53 224

Les constructions des catégories a) et b) sont rares dans le corpus. En voici quelques occurrences :

a)soit – soit, fust – fust

(67) Sire, je feray sanz sejour

Vostre vouloir, soit tort, soit droit. (MirND, p. 42, 1220)

Selon Jensen (1974 : 22), cette construction à l'imparfait serait rare en moyen français à cause du caractère verbal affaibli d'être. Notre corpus ne présente qu’un exemple à l'imparfait :

(68) Et de fait, quelque part qu’il encontrast sa femme, il l’abbatoit, fust en sa chambre, fust en l’estable ; en quelque lieu que ce fust, tousjours avoit ung assault. (CNN, p. 87, 12–15)

b)soit – ou soit, fust – ou fust, face – ou face (69) Ne ne verray dame tant belle,

Soit mariée ou soit pucelle (MirND, p. 14, 348) (70) Së eusses esté en Savoye

Si te tenois je si feal

Que vers moy reprendroyes la voye,

Fust de pied ou fust de cheval. (F&A, p. 52, 1400)

(71) Ainsi ung homme curial, face bien ou face mal, est tousjours en danger. (Jouven, p. 48)

c)soit – ou, soit – ne, fust – ou, face – ou

(72) elle a seigneurie et dominacion sur toutes creatures humaines, soient hommes ou femmes, bestes ou oyseaulx, arbres et racines (Arrêts, p. 153, 54–56)

(73) Or n'est il plus chanson ne rime,

Soit consonant ne leonine, (F&A, p. 95, 2627) Par laquelle puisse tant faire

Que Male bouche se sceust taire

(74) Fust en advens ou en karesmes, (RTF, p. 88, 54) Plus tost parleroient d’elles mesmes

Que nouvelle fust là obmise.

(75) Vous en serés tresbien conduite

Tous les jours face froit ou chault. (RTF, p. 46, 84)

La construction soit – ou est très commune dans les textes des XIVe et XVe siècles du corpus. Les constructions de la catégorie c) y sont les plus fréquentes (78,1 %, soit 164/210).

La fonction de ne de l’exemple 73 n'est pas immédiatement identifiable.

Selon Marchello-Nizia (1997 : 302–314, 358, 428–429), ne présente plusieurs fonctions en moyen français : 1) l'adverbe de négation (cf. ne du français moderne), 2) l'adverbe concessif en tête d'une construction paratactique, 3) ne

explétif, 4) la conjonction de coordination entre deux éléments négatifs (cf. ni) ou 5) la conjonction de coordination sans connotation négative entre les éléments (cf.

et, ou). Dans l'exemple 73, la conjonction ne équivaut à la conjonction ou dans un contexte syntaxique négatif.

La construction soit – et ne se rencontre que dans 1,4 % des cas (3/210) dont l’exemple 76 :

d) soit – et

(76) Tous domaines et héritages assis au pais et ressort du Dorat, soit prets, bois pasturants, chanfraits terres et tous autres sont deffensables en tout temps (Poictou, p. 270)

Dans l’exemple 76, la forme soit combinée avec la conjonction et indique l'acceptation.

e) vueille ou non, voulsist ou non, vueille ou ne vueille, plaise ou non plaise (77) Mais de la veoir tat conforté seray,

Maulgré Dangier, vueillë ou non Rudesse. (F&A, p. 152, 4334) (78) maiz nonpourquant elle n'y osa mettre contredit et rendi l'annel au chevalier, voulsist ou non (Bérin, p. 33)

(79) il li a tout osté,

Vueille ou ne vueille (MirND, p. 52, 1527)

(80) l’omme qui veult bien, que chascun sçache qu’il ne voudroit donner conseil que bon et honeste, plaise ou non plaise (Fillastre, p. 206, 1479–1481)

Le verbe vouloir conserve son caractère verbal dans les expressions concessives, tandis que le caractère verbal d'être dans la construction soit – soit est affaibli. L'alternative est exprimée par le verbe vouloir et la négation non.

Les constructions f) et g) sont d’une fréquence infime dans notre corpus : f) ait ou non, v(i)eigne ou non, veïstes ou non

(81) qui estoit allé de vie à trespassement, ait tenu la terre ou non (Poictou, p. 213)

(82) sans actendre assise sur deffault et o jugement pour venir veoir pourvoier dudit tuteur, et o intimacion que viengnent ou non (Poictou, p. 101)

(83) se vous veïstes le fait ou non (Bérin, p. 134) g) rie ou fist bonne chiere, plaise ou desplaise

(84) ne vouloit point le dict complaingnant empescher qu’elle ne parlast, rie ou fist bonne chiere a qui bon lui sembleroit, mais qu’il fust tousjours bien venu (Arrêts, p. 55, 152–155)

(85) le veritable et vray amy, plaise ou desplaise, dit ce que luy semble veritable (Fillastre, p. 166, 620–621)

Outre les couples de verbes au sens opposé, Marchello-Nizia (1997 : 433) distingue deux types de phrases marquant la concession, l'une introduite par tant, l'autre par tout. Ces constructions ne se rencontrent pas dans notre corpus.

Dans le corpus de Wunderli (1970 : 187–188), les propositions indépendantes concessives introduites par tant présentent les verbes être, avoir, savoir et devoir. Il considère cette construction comme rare en moyen français. L’exemple suivant provient du Livre de la mutacion de Fortune de Christine de Pizan (v. Solente 1959 : 14) :

(86) N’y a seigneur, ne si grant sire,

Tant s’en sache bien entremettre, 4609 Qui ou peuple sache fin mettre.

Wunderli (1970 : 181–182) a aussi repéré de nombreuses attestations de tout suivi du subjonctif. Tous ses exemples proviennent cependant du Livre de la mutacion de Fortune (1403) de Christine de Pizan (v. Solente 1959 : 44).

(87) Croy qu’ici vi plusieurs pervers, Tout fussent ilz fourré de vairs, Et dont Dieu scet la conscience 5539

Selon Wunderli, la fréquence de cette construction serait un tic linguistique de Christine.