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1.2 Études sur le subjonctif français

1.2.2 Approches génératives

Dans la théorie générative, développée par Chomsky (1980 : 11–12), la distinction saussurienne entre langue et parole est interprétée comme différenciation entre compétence grammaticale (connaissances d’un locuteur natif) et performance (réalisation de ce que dit un individu dans une situation). Selon

12 Nous suivrons la définition de Herman (1963 : 179), adoptée entre autres par Marchello-Nizia (1997 : 366– 377) , des termes de conjonction et de locution conjonctive.

Les locutions conjonctives sont des groupes de mots constitués d’une conjonction de subordination (que, comme) et d’un ou de plusieurs éléments : préposition (pour que, après que), adverbe (bien que, ainsi comme), préposition + adverbe/nom (pour tant que, afin que) ou pronom (lequel que, tel que) renvoyant à cette conjonction ou servant à en préciser la fonction. (Cf. aussi Ducos – Soutet 2012 : 100–101.)

13 Autres approches génératives : Huot (1986), Barbaud (1991), Progovac (1993), Abouda (2002).

Chomsky, un natif acquiert la compétence par le dispositif d’acquisition du langage (LAD = Language Acquisition Device). Grâce à ce dispositif, un natif est capable de distinguer entre une proposition grammaticalement correcte et une proposition agrammaticale. Chomsky (1982 : 17–18) a essayé de construire une grammaire générative qui représente formellement toutes les propositions grammaticales possibles d’une langue spécifique. Sa grammaire universelle comporte des règles et des principes structuraux qui, à son avis, sont valables pour toutes les langues. Les règles syntagmatiques identifient les différentes structures de la phrase et en prédisent la forme. Pour définir ces règles syntagmatiques, Chomsky a présenté la théorie X-barre (notée X’). Les transformations, par contre, permettent d’expliquer différents phénomènes perçus dans la langue : interrogation, négation, condition, subordonnée relative, etc. Grâce au système de règles, il est possible de produire, soit générer, de nouvelles propositions. Certains linguistes ont appliqué la théorie de Chomsky dans leurs études sur le subjonctif français.

Kampers-Manhe (1991) étudie l’emploi du subjonctif dans les propositions relatives en français moderne au moyen de la commutation du subjonctif et de l'indicatif dans un même contexte syntaxique. Après un superlatif relatif, le subjonctif s’impose généralement. Dans les propositions subordonnées exprimant un but ou après une proposition principale négative, interrogative ou conditionnelle, le verbe de la subordonnée peut être au subjonctif ou à l’indicatif si l’antécédent est indéfini. D'après le modèle de Kampers-Manhe (1991 : 120), la relative dans Je cherche une personne qui sait/sache le chinois peut être décrite comme suit :

FIGURE 1 La structure générative d’une relative selon Kampers-Manhe.

Notons que Kampers-Manhe n'analyse pas la structure de S’, contrairement à Lalaire, qui suit les règles de réécriture de Chomsky.

D'apres Lalaire (1998), la variation modale serait régie d'une part par des principes généraux qui dépassent la tripartition traditionnelle des complétives, relatives et circonstancielles, et d'autre part la syntaxe y jouerait un rôle essentiel.

Cette étude (Lalaire 1998 : 4–13) se réclame de la grammaire générative et transformationnelle, notamment de la théorie X-barre postulant une structure

interne hiérarchisée homogène non seulement pour les catégories syntaxiques N’’, V’’, A’’ et P’’, mais aussi pour I’’ (I = Inflection ou flexion verbale en français) et COMP’’ (= complementizer ou complémenteur14 en français). Le complémenteur peut être une conjonction, un pronom relatif ou interrogatif. Si l’on appelle X soit N, soit V, soit A, soit P, soit I, soit COMP, X constitue la tête d’un domaine X’’. (Lalaire 1998 : 7–8.) Voici cette structure sous la forme d’un indicateur arborescent :

FIGURE 2 La structure d’une phrase selon la théorie X-barre (Lalaire 1998 : 5).

Le modèle X-barre est réparti en trois niveaux hiérarchiques ou projections successives : le niveau zéro-barre ou la projection minimale (X), le niveau 1-barre ou la projection intermédiaire (X’) et le niveau 2-barre ou la projection maximale (X’’). Le spécifieur (Spéc) n’est pas une catégorie syntaxique, mais une fonction grammaticale. Par exemple, dans le chinois de la figure 3 ci-dessous, le représente la catégorie syntaxique déterminant (Dét), tandis que sa fonction grammaticale est celle de spécifieur. La position du spécifieur d’une tête N peut donc être occupée par les déterminants (articles, pronoms, quantitatifs) et celle d’une tête V par la copule.

Si l’on postule la théorie X-barre pour les entités I et COMP, la S’ relative (la phrase comprenant le domaine S et COMP’’) présente la structure suivante :

14 Dans son modèle, Lalaire utilise l’abréviation C pour complémenteur, ce qui peut être trompeur à cause de C = conjonction dans le modèle de Chomsky. Nous avons remplacé C par COMP dans les schémas. Lalaire et Kampers-Manhe emploient la terminologie anglaise : NP (noun phrase) au lieu de SN (syntagme nominal), etc.

FIGURE 3 La structure d’une proposition subordonnée relative avec le verbe au subjonctif15.

Une relative est insérée dans un N’’ et comporte une position COMP saturée par un N’i qui est relié par co-indiciation au N’i antécédent extérieur à la relative et à la catégorie vide [N’’e]i intérieure à la relative. D'après Chomsky (1987 : 31), les catégories vides, soit les éléments non directement observables, dépourvus de réalisation phonétique, seraient nécessaires pour l'explication du fonctionnement général des langues naturelles.

Dans son analyse sur l’emploi des modes, Lalaire renonce à l’approche mentaliste pour éviter le risque de sombrer dans la subjectivité. En revanche, il utilise le modèle GB (= Government and Binding Theory, modèle du gouvernement

15 Nous avons construit cette figure sur la base de plusieurs figures présentées par Lalaire (1998 : 5, 148, 153). L'exemple est le nôtre.

et du liage) de Chomsky. Le concept de gouvernement renvoie au rapport structural entre la tête X et les catégories qui en dépendent : les N, A, V, P et les entités I et COMP sont gouverneurs et les N’’ et S’ gouvernés (Chomsky 1987 : 20). Le concept de liage comprend le rapport du pronom, du nom propre ou de la variable avec l’antécédent possible (Chomsky 1987 : 17). En suivant la théorie X-barre, Lalaire note que les propositions subordonnées au subjonctif présentent un trait les distinguant des propositions principales. Ce trait est la position subordonnée du subjonctif (= la position COMP), qui joue le rôle principal dans la sélection du mode. Selon Lalaire (1998 : 6), le terme qui gouverne le S’

occupant la position de COMP déterminerait le mode de ce S’. L’entité I est le lieu de réalisation de temps, personne, nombre et mode.

D'après les résultats de Lalaire, le subjonctif est utilisé dans les propositions subordonnées dont la position COMP n’est pas transparente, c’est-à-dire qu'elle ne présente pas de projection maximale. Quand le sens lexical du gouverneur comporte le trait [+ virtuel] ou que la proposition principale présente une interrogation, une hypothèse ou une négation, il ne s’agit pas d’une projection maximale. À notre avis, la grammaire générative et la théorie X-barre peuvent constituer un modèle de description de la structure d’une proposition subordonnée au subjonctif. Ce modèle n’offre cependant rien de nouveau, fait démontré par les résultats de Lalaire (1998 : 347, 366), qui admet l'insuffisance explicative du modèle GB non seulement quant à la variation modale mais aussi en ce qui concerne le fait que les entités mode et temps ne soient pas séparables dans I’’.

Malgré la différence du mode employé, le modèle X-barre est cependant le même chez Lalaire et Kampers-Manhe. Par conséquent, la méthode générative n'arrive pas à une description adéquate (morpho)syntaxique, et surtout sémantique, des modes. Selon Kampers-Manhe, le syntagme nominal (SN = NP) dont la relative est au subjonctif est interprété comme dépourvu de référent identifiable, c'est-à-dire comme non spécifique. Le SN à la relative à l’indicatif serait par contre considéré comme spécifique. Selon Kampers-Manhe, le subjonctif n’impliquerait aucun procédé autonome du fait qu'il ne spécifie pas le temps. Par conséquent, aucune valeur de vérité ne peut être attribuée au contenu propositionnel avec un verbe au subjonctif. La conclusion de Kampers-Manhe répète le résultat des études antérieures : le subjonctif est un mode de la dépendance, utilisé préférablement dans une subordonnée.