• Ei tuloksia

1.2 Études sur le subjonctif français

1.2.3 Approches fonctionnelles

À la différence des approches syntaxiques, le fonctionnalisme explique l'usage des modes par une série de fonctions. Pour rendre compte des différences de ces deux approches, nous recourrons aux études de Boysen (1971) et de Blücher (1979). Aussi bien les approches syntaxiques que les approches fonctionnelles prévoient une hiérarchie de facteurs influant sur l’emploi du

16 Autres approches fonctionnelles : Imbs (1953), von Wartburg – Zumthor (1958 (1973), Cohen (1965), Nordahl (1969), Corbeil (1971), Globevnik (1983), Haillet (1995), Cellard (1996), Vet (1998).

subjonctif. Si la hiérarchie de Boysen est fondée sur les critères syntaxiques, Blücher souligne l’importance des fonctions déterminant le caractère signifiant (choix du locuteur) ou insignifiant (emploi mécanique) du subjonctif. C’est surtout la notion de choix, c’est-à-dire le rôle du locuteur, qui distingue l’approche fonctionnelle de l’approche syntaxique. Blücher (1979 : 18–19) propose une hiérarchie à trois niveaux. Le premier niveau est la différenciation sémantique, par exemple Je cherche une personne qui sache le chinois vs Je cherche une personne qui sait le chinois. Selon Blücher, le subjonctif exprime la possibilité et l’indicatif la réalité. L’emploi du subjonctif au deuxième niveau est automatique sans sens spécial, requis par certaines constructions syntaxiques, par exemple jusqu’à ce que dans Je resterai ici jusqu’à ce que tu me mettes à la porte. L’emploi de l’indicatif y est exclus. Au troisième niveau, appelée celui de variation, le subjonctif peut alterner avec l’indicatif. Le mode y serait optionnel, mais sans sens spécial comme dans les phrases suivantes : Il n’est pas certain que ce soit possible vs Il n’est pas certain que c’est possible. À notre avis, il y a cependant une nuance distinctive entre ces phrases : le subjonctif accentue le doute, tandis que l’indicatif souligne le fait que la réalisation est impossible. En bref, l’approche fonctionnelle fait la distinction entre le subjonctif requis par la syntaxe et le subjonctif optionnel choisi par le locuteur.

Pour nombre de linguistes actifs dans la première moitié du XXe siècle, la différence entre l'indicatif et le subjonctif s'expliquerait par des fonctions psychologiques de l'emploi des modes. Ces facteurs semblent cependant difficiles à définir. Une des premières approches psycho-fonctionnelles est celle de Lerch, présentée dans deux articles (Lerch 1919 a et Lerch 1919 b). Pour Lerch (1919 b : 339), le subjonctif se rencontre dans les subordonnées complétives en que et dans les relatives dont la fonction est celle d'un sujet psychologique. Selon le chercheur allemand, dans je m'étonne qu'il soit venu le sujet psychologique est ce qui est connu (qu'il soit venu) du locuteur et le prédicat psychologique ce qui est nouveau (je m'étonne). Le prédicat psychologique est le contenu le plus important d'une phrase : dans je crois qu'il est venu, le prédicat psychologique est qu'il est venu. Par contre, le prédicat psychologique de je ne crois pas qu'il soit venu est je ne crois pas. Il est légitime de poser trois questions sur l'approche psycho-fontionnelle de Lerch : 1) D'où viennent les termes sujet et prédicat psychologiques ? 2) Ne serait-il pas possible de les remplacer par d'autres plus adéquats ? Notons que sujet et prédicat ne sont pas ici des termes linguistiques de l'analyse grammaticale. 3) Quel est le terme ou la fonction pour je crois dans je crois qu'il est venu ? Parmi d'autres linguistes du début du XXe siècle, Regula (1936 : 294–295), entre autres, soutient la théorie de Lerch sur le sujet psychologique.

À notre avis, les termes sujet ou prédicat psychologiques et subordination psychologique employés dans les théories fonctionnelles de Lerch et de Regula (cf.

l'approche de De Boer p. 27) peuvent être comparés aux catégories vides, soit les éléments non directement observables de Chomsky, ou à la position COMP non transparente de Lalaire. Ces éléments semblent des périphrases d'un trait difficilement justifiable qui jouerait le rôle principal dans la sélection du mode.

La description fonctionnaliste de Brunot (1922), et celle, beaucoup plus récente, de Gougenheim (1969), présentent des formulations souvent très proches les unes des autres. Selon Brunot (1922 : 513–519) et Gougenheim (1969 : 191–203), il y a deux types de subjonctif, l'un requis par certaines constructions syntaxiques (servitude grammaticale) et l'autre optionnel (choix du locuteur). De plus, d'après les deux chercheurs, le subjonctif peut jusqu’au XVIIe siècle commuter avec l’indicatif dans certains emplois selon le sens : J’entends que vous ne me suivez pas (constatation) vs J’entends que vous ne me suiviez pas (volonté), Je suppose que Pierre est venu hier (raisonnement) vs Je suppose que Pierre soit venu hier (possibilité). Brunot (1922 : 520–524) se prononce contraire à une interprétation logique ou psychologique des modes. Ainsi, dans les emplois où le subjonctif est seul possible, il est dépourvu de contenu sémantique. Il s’agit alors d’une servitude grammaticale, sans laquelle le message serait compréhensible, mais non grammatical : Il est furieux qu’on l’ait trompé (Brunot 1922 : 826) et C’est le meilleur remède que je puisse vous proposer (Brunot 1922 : 841).

Lau (1970) étudie le subjonctif dans les subordonnées du XIIe au XIXe siècle au but d'en déterminer la fonction dans les subordonnées d'un contenu actualisé, et donc réalisé. Lau se sert de la notion de subordination psychique (psychische Unterordnung17), développée par Gamillscheg (1957 : 494), qui l'induit à expliquer le subjonctif par l'emploi de verbes dont le sens présente un élément affectif ou exprime une pensée ou une croyance. Toutefois, le subjonctif de la subordination psychique ne se rencontre pas avant le XVe siècle, à quelques rares exceptions près. Ce serait à partir du XVIe siècle que l'emploi du subjonctif augmenterait considérablement dans les subordonnées d’un contenu actualisé, par exemple, chez Calvin : c’est chose fort rare qu’ils soyent munis de telle prudence et vivacité d’esprit, que chacun voye ce qui est bon et utile (Benoit 1961 : 513). Il faut aussi prendre en considération la syntaxe de la proposition, c'est-à-dire si elle est négative, interrogative ou hypothétique : Comment se porroit il faire, fait elle, que je ne l’eusse sceu, s’il y eust mal ? (QJM, p. 111).

Lau (1970 : 263–269) explique l’emploi du subjonctif dans les subordonnées d’un contenu actualisé par deux raisons : en ce qui concerne les verbes de jugement (c’est droiz que, il me plaist que, etc.) et de sentiment (craindre, avoir peur, avoir pesance), l’emploi analogique serait très fort parce que, dès l’ancien français, le subjonctif s’utilisait dans les cas non actualisés. En outre, l'influence du latin sur la syntaxe française des XVe et XVIe siècles serait sensible dans le système modal français, notamment avec les verbes de crainte, à cause de la littérature traduite. Notons que le matériel de Lau (1970 : 27–28) est très réduit et limité à l'ancien français sur ce dernier point. L’étude de Lau met en évidence la différence du système modal de l'ancien français et de celui du français moderne.

Si nous sommes d'accord avec Lau sur l'importance de la syntaxe et sur l'influence du latin dans l'emploi du subjonctif, le facteur psychique est cependant un élément explicatif de faiblesse considérable dans son interprétation.

17 Lau (1970 : 17) considère psychische Unterordnung comme synonyme de sujet psychologique, notion employeé par Lerch (v. p. 23).

L’approche fonctionnelle de Martinet diffère des autres approches, puisque son but est de décrire l'emploi communicatif de la langue par un locuteur natif.

Si d'autres linguistes fonctionnalistes recourent en dernier lieu aux faits syntaxiques, Martinet (1979 : 6) applique à l’analyse de l’emploi des modes la notion de signe linguistique saussurien qu’il appelle monème, dont la forme (cf.

signifiant de Saussure) correspond à un sens (cf. signifié de Saussure). Pour Martinet (1979 : 102), les modalités verbales sont des syntagmes ou des monèmes lexicaux ou grammaticaux (morphèmes) auxquels est commune une série de faits distinctifs ou modalités : temps, vision18, mode, aspect et voix. Un syntagme verbal se distingue d’un autre par les modalités qu’il signale ou ne signale pas. D'après Martinet (1979 : 101), le syntagme subjonctif (qu’il) chante se distingue des autres syntagmes par l’absence du monème de temps passé qui caractérise le syntagme subjonctif passé (qu’il) chantât, par l’absence du monème parfait qui caractérise le syntagme subjonctif parfait (qu’il) ait chanté et par l’absence d’un des monèmes de voix qui caractériserait le syntagme subjonctif passif (qu’il) soit chanté ou le syntagme subjonctif réfléchi (que ça) se chante.

Selon Martinet, un syntagme verbal est traité comme un monème modal s’il signale le mode de manière explicite. Pour Martinet (1979 : 111), l’indicatif n’a pas de marque formelle ni de distincte valeur modale, mais représente une occurrence dans la réalité. Le subjonctif, par contre, signale le mode par ses morphèmes. Pour le linguiste français (Martinet 1979 : 120), le monème subjonctif représente une occurrence en tant que conception de l’esprit, c’est-à-dire sans existence réelle. Par conséquent, l’opposition entre l’indicatif et le subjonctif est l’opposition du réel, exprimé par un monème verbal nu19 (l’indicatif), et de l’imaginé, exprimé par le monème subjonctif. Malgré la prise en considération des principes saussuriens (signe linguistique), l'analyse de Martinet (1979 : 122) aboutit à une explication syntaxique. Le subjonctif est le plus fréquent dans les propositions subordonnées (prédicatoïdes). Si une partie de l’énoncé présente la même forme qu’une phrase complète, par exemple il vienne demain, dans Je veux qu’il vienne demain, vienne a l’apparence d’un prédicat.

Toutefois, comme il se rattache à un segment qui est une détermination du prédicat veux, il ne peut pas être considéré comme prédicat. Martinet (1979 : 18) le qualifie de prédicatoïde. Le subjonctif dépend alors d'éléments lexicaux ou de structures syntaxiques (par ex. négation, interrogation) de la proposition principale.

Pour Martinet (1979 : 127), le subjonctif n’est pas un mode de la dépendance parce qu’il peut s’opposer au verbe nu dans les énoncés autonomes : Qu’il chante vs Il chante. Le chercheur français évoque la faiblesse fonctionnelle manifestée dans l’homonymie d'une partie du paradigme de l’indicatif (verbe nu) et du subjonctif : Je cherche un jardinier qui taille (ind./subj.) la haie. Cette homonymie peut occulter le sens de la forme verbale en question. Les locuteurs tendent à réagir dans le sens de la simplification, de la régularisation ou de

18 En ce qui concerne le futur et le conditionnel, il existe la modalité appelée vision (décalée dans le passé vs non-décalée) (Martinet 1979 : 100–101).

19 Le monème verbal nu ne constitue pas une unité linguistique particulière (Martinet 1979 : 111).

l’élimination de l’emploi des modes. Cette dernière observation offre une piste intéressante à l’explication des emplois non conventionnels du subjonctif.

Harris (1978 : 171–175), Battye et Hintze (1992 : 235–240, 293) et Touratier (1996 : 167–172) étudient l’emploi des modes en français moderne à la base de la notion de choix. Quant aux phénomènes syntaxiques, y compris le subjonctif, ils distinguent trois catégories d'emplois : les servitudes grammaticales, les variations stylistiques et les oppositions de sens. La classification ressemble donc à celle de Blücher (v. p. 23). Dans le cas de la servitude grammaticale, l'emploi du subjonctif ne relève pas du choix du locuteur. Dans Je suis heureux qu’il ait fait cela, le subjonctif n'a par conséquent aucun sens spécial.

L'approche fonctionnelle est caractérisée par le choix du locuteur aussi bien au premier niveau de la différenciation sémantique qu'au troisième niveau de la variation optionnelle. Les facteurs psychologiques ne nous semblent pas suffisants pour expliquer l'emploi non conventionnel du subjonctif. Une possibilité serait de recourir aux méthodes de la sociologie linguistique pour découvrir plus en détail le rôle du locuteur. Selon Labov (2001 : 503–511), pionnier de la sociolinguistique, les attitudes et les facteurs sociaux expliquent par exemple la variation phonétique, ce qui conduit aux changement linguistiques. Les recherches de Labov démontrent que l'attitude de l'informant est le facteur explicatif essentiel de la variation linguistique. La méthode de la sociologie linguistique, dont les variables sont par exemple le niveau culturel ou le statut socio-économique du locuteur, le niveau de style du discours, pourrait être appliquée à l'explication des changements de l'emploi des modes. L'intérêt d'une telle approche est indéniable mais difficilement formalisable.

1.2.4 Approches psycho-sémantiques20

D'après Damourette et Pichon (1911–1936), De Boer (1923), van der Molen (1923), ainsi que Le Bidois et Le Bidois (1968), l’opposition entre l’indicatif et le subjonctif présente une actualisation linguistique de nuances psychologiques. À l’instar des fonctionnalistes (v. p. 22–26), ces linguistes identifient le subjonctif comme exprimant l’irréel ou le douteux ; l’indicatif, par contre, exprime le réel ou le certain. Damourette et Pichon cherchent à présenter une explication générale de l’usage de l’indicatif et du subjonctif. Ils (1911–1936 : 469, 482) renoncent à la notion de mode, employée traditionnellement par les grammairiens pour décrire l'indicatif, le subjonctif, l'impératif et le conditionnel.

Comme ces deux grammairiens ne s'intéressent qu'à l'opposition entre l'indicatif et le subjonctif, ils se servent de terme mœuf21 emploýé pour l'indicatif et le subjonctif, mais non pour le conditionnel, dans les traductions françaises des grammaires latines du IVe siècle (par ex. l'Ars minor de Donat). La différence entre les termes mode et mœuf serait sémantique et terminologique. Comme

20 Autres approches psycho-sémantiques : Kalepky (1894, 1927, 1928), Soltmann (1914), Clédat (1923), Brunot – Bruneau (1949 (1969)).

21 V. Martin et al. 2012 : s. v. meuf 'modus', employé par exemple dans la traduction partielle de l'Ars minor de Donat, ms. d'Oxford, All Souls College, 182, fol. 318voa (Städtler 1988 : 132). La graphie mœuf ne se rencontre pas dans les textes dépouillés par Martin et al. Damourette et Pichon n'en expliquent pas l'origine de la graphie.

l'impératif est de nature locutoire et l'indicatif et le subjonctif de nature délocutoire22 et que le conditionnel est considéré comme temps au lieu de mode, le terme mœuf serait plus adéquat. Le subjonctif est le mœuf de non-jugement, soit de non-assertion qui sert à exprimer des faits considérés comme non réels et que le locuteur ne juge pas. En revanche, l’indicatif est le mœuf d'assertion (Damourette – Pinchon 1911–1936 : 602) qui sert à exprimer des faits réels. La différence des deux mœufs est illustrée par les exemples suivants : Je crois avoir compris que l’exposition de photographie avait été reculée de mai à juin vs Je comprends que tu aies été indignée sur le moment. L’emploi des deux mœufs peut être associé au protagoniste (= sujet grammatical du verbe principal de la subordonnée) ou au locuteur qui prononce la phrase. Dans le deuxième exemple ci-dessus, le protagoniste est allocutif (tu). Selon ces deux linguistes, les cas les plus intéressants à étudier sont ceux où le protagoniste est allocutif ou délocutif. Dans un très grand nombre de cas, l'emploi du subjonctif dépend des idées et des sentiments prêtés par le locuteur au protagoniste. L’indicatif est employé quand le protagoniste ou le locuteur porte un jugement sur la réalité des faits. Dans l'absence de tout jugement, c'est le subjonctif qui doit être employé. (Damourette –Pichon 1911–1936 : 473–476.) La notion de non-assertion23semble ici synonyme d'irréel.

De Boer (1923 : 85–89) considère le subjonctif comme le mode par excellence de la subordination psychologique. Le français moderne présenterait deux subjonctifs très différents l'un de l'autre. Le premier se rencontrerait là où le verbe est psychologiquement indépendant, exprimant toujours une nuance volitive, par exemple Qu’il vienne me voir demain matin !. Le second s'emploierait au cas où le verbe représente un certain degré de dépendance psychologique par rapport à l'idée exprimée dans la principale, par exemple Dites-lui qu’il vienne me voir demain matin. Si le subjonctif exprimait ici une nuance volitive, comme c’est le cas dans la principale (impératif), il devrait être possible de s’en servir invariablement après n’importe quelle forme du verbe déclaratif en question. Le verbe de la principale doit contenir l’idée d’une volonté pour que le subjonctif soit possible dans la subordonnée. Par exemple dans Il me dit que je dois venir, aucune forme de subordination psychologique n'est attestée.

Selon van der Molen (1923 : 16), le locuteur, en se servant de l’indicatif, envisage objectivement l’action comme un simple fait. Le subjonctif, en revanche, est le mode de la subjectivité aussi bien dans les propositions indépendantes que dans les subordonnées (van der Molen 1923 : 36). De même, pour Grevisse et Goosse (2011 : 1152) le locuteur emploierait le subjonctif au but d'éviter de se prononcer sur la réalité des faits. C'est aussi l'avis de Togeby (1982 : 59–60) : le subjonctif est la forme intensive ou marquée du non-jugement qui a un sens particulier, très difficile à circonscrire. Le subjonctif présente un phénomène qui

22 Dans la terminologie de Damourette et Pichon (1911–1936 : 473), le locutif est la personne qui parle, l'allocutif la personne à qui on parle et le délocutif (> délocutoire) la personne référant à l'être absent de l'acte de communication, c'est-à-dire la IIIe personne dont on parle.

23 Plusieurs linguistes ont utilisé la notion de (non-)assertion pour expliquer l’emploi des modes parmi lesquels Hooper (1975), Confais (1990), Herslund (1999), Korzen (2003).

peut devenir l’objet d’une volonté, d’un doute, d’un sentiment, etc. L’indicatif, par contre, est la forme extensive ou non-marquée au sens linguistique imprécis.

Le Bidois et Le Bidois (1968 : 501–508) considèrent le subjonctif comme le mode de l’énergie psychique, rencontré dans des expressions de volonté, but, doute, émotion ou éventualité. Le subjonctif ne serait jamais une conséquence de la subordination et ne s’expliquerait pas non plus par l’influence du verbe de la principale (Le Bidois – Le Bidois 1968 : 513). Il ne dépendrait que d’un état de la pensée dont il est fonction. Dans Je veux qu’il vienne, il ne s'agirait pas du verbe vouloir de la principale exigeant le subjonctif, mais de la fonction impérative : qu’il vienne, je le veux (Le Bidois – Le Bidois 1968 : 503).

L'approche fonctionnaliste, basée sur le facteur psychologique, diffère nettement de toute approche psycho-sémantique du fait d'une tentative de hiérarchisation de l'emploi du subjonctif. Les fonctionnalistes mettent l'accent sur le choix du locuteur comme facteur décisif dans l'emploi du subjonctif, tandis que nombre de linguistes représentant le courant psycho-sémantique y soulignent le caractère volitif. Rappelons que la plupart des tentatives de description du subjonctif dans la première moitié du XXe siècle sont psycho-sémantiques. Les approches fonctionnalistes sont plus tardives et, en général, plus élaborées : dans la hiérarchie à trois niveaux des fonctionnalistes, la différenciation sémantique ne représente que le premier niveau de l'analyse.

Malgré les méthodes différentes, le résultat des deux approches est le même : le subjonctif exprime l’irréel ou le douteux ; l’indicatif, par contre, exprime le réel ou le certain.

1.2.5 Approches cognitives24

La grammaire cognitive, fondée par Langacker dans Foundations of Cognitive Grammar (1987), examine la structure d’une langue dans l'interaction avec la cognition humaine. Selon Langacker (2004 : 21), une structure symbolique est une combinaison de forme (structure phonologique) et de sens (conceptualisation). La grammaire cognitive considère la division en lexique, morphologie et syntaxe comme arbitraire et artificielle parce que tous les trois forment un continuum d’une structure symbolique (Langacker 1987 : 2–3). En ce qui concerne le sens, c’est un phénomène mental. Les emplois conventionnels des éléments linguistiques sont une partie de leur sens linguistique. Comme un élément possède plusieurs emplois conventionnels, la polysémie est la règle. Le réseau des valeurs familières et conventionnelles est formé autour d’un prototype qui représente, selon l’esprit humain, le sens le plus typique d’un élément linguistique. Le sens prototypique présente pourtant plusieurs sens non-prototypiques. Ces derniers sont cependant compréhensibles du fait de leur ressemblance au prototype. (Langacker 1987 : 17, 2004 : 41.) Le modèle prototypique représente ainsi une sorte de hiérarchie en spirale dont le noyau est le sens prototypique alors que les sens non-prototypiques se situent dans les cercles ultérieurs selon le niveau de déviance par rapport au prototype (cf.

24 Autres approches cognitives : Hummel (2004).

l’exemple de Winters dans la figure 4, p. 29). La différence entre la structure symbolique cognitive et son équivalent saussurien réside dans la nature du système linguistique qui est, selon Saussure, automatique et indépendant des facteurs contextuels et de la variation individuelle du langage. Les cognitivistes, par contre, prennent en considération ces facteurs dans la communication.

Dans deux articles (Winters 1989 et Winters 1993), Winters étudie le subjonctif en ancien français et en français moderne dans le cadre de la grammaire cognitive afin de dégager les raisons de l'emploi de ce mode. À la différence de nombre de linguistes (v. Blücher p. 23, Brunot, Gouggenheim p. 24, Harris, Battye et Hintze, Touratier p. 26), elle considère tous les emplois du subjonctif comme significatifs.Winters regroupe nombre d'attestations du subjonctif sous le sens prototypique de doute :

Dans deux articles (Winters 1989 et Winters 1993), Winters étudie le subjonctif en ancien français et en français moderne dans le cadre de la grammaire cognitive afin de dégager les raisons de l'emploi de ce mode. À la différence de nombre de linguistes (v. Blücher p. 23, Brunot, Gouggenheim p. 24, Harris, Battye et Hintze, Touratier p. 26), elle considère tous les emplois du subjonctif comme significatifs.Winters regroupe nombre d'attestations du subjonctif sous le sens prototypique de doute :