• Ei tuloksia

2 SYNTAXE DU MODE SUBJONCTIF DANS LE CORPUS ÉTUDIÉ

2.2 Proposition subordonnée

2.2.1 Propositions substantives

2.2.1.3 Verbes d'opinion et de perception

2.2.1.3.6 Cas spéciaux : facteurs syntaxiques et

Comme nous l'avons constaté, différents facteurs peuvent perturber le mode régi par des verbes d'opinion et de perception : une négation, une interrogation, une condition en principale. De plus, l'enrichissement sémantique du verbe introducteur peut influer sur le choix du mode. Considérons l'exemple

248, où remonstrer signifie 'tâcher de montrer' (cf. Martin et al. 2012 : s. v.

remontrer) :

(248) Et aussy de ces chastiaulx qu’i tient du connestable, remonstrez luy doulcement et en riant que à petite ocquoison il les a saisis et que il luy plaise à rendre (ChrF, p. 232)

Quelques verbes d'opinion peuvent gouverner une subordonnée soit à l'indicatif, soit au subjonctif, selon que l'affirmation est prise ou non à son compte par le locuteur (présence de je, nous), comme l'a démontré Moignet (1959 : 376) pour cuidier en ancien français. Cela vaut encore partiellement en moyen français. Le tableau 16 indique la répartition des modes après je et nous et après les autres personnes des verbes cuidier, croire et penser dans notre corpus.

TABLEAU 16 L'emploi du mode dans les subordonnées régies par les verbes cuidier, croire et penser.

1300–1350 1350–1450 1450–1550 affirmatif négatif affirmatif négatif affirmatif négatif verbe personne s i c s i c s i c s i c s i c s i c cuidier je, nous 7 2 5 5 1 2 14 21 3 8

autres 18 9 23 1 2 66 6 15

croire je, nous 1 3 2 10 31 3 7 12 98 2 6

autres 1 1 1 5 8 2 1 7 67 9 7

penser je, nous 2 5 10 8 5

autres 4 9 1 5 6 2 3 28 89 19 11

La fréquence du subjonctif après le verbe croire à la Ière personne est plus basse que celle de l'indicatif. La tendance, attestée en ancien français, de l'alternance de l'indicatif et du subjonctif après une principale à l'affirmatif semble se poursuivre en moyen français d'après notre corpus. Selon Wunderli (1970 : 247), par contre, le subjonctif dominerait après le verbe croire à l'affirmatif.

Le verbe croire au négatif est presque toujours (22/23) suivi du subjonctif dans le corpus. Dans la période de 1450 à 1550, nous n’avons rencontré aucun exemple à l’indicatif. Nous avons analysé les deux attestations à l’indicatif, dont l’une provient du corpus de l’ancien français (v. l’ex. 232, 238 p. 125–126).

En ce qui concerne le verbe penser, nous n'avons repéré aucune attestation à la Ière personne suivie du subjonctif avant 1450. Il faut cependant tenir compte du fait que ce verbe est moins fréquent dans le corpus que les verbes croire et cuidier. Curieusement, le subjonctif est de 1450 à 1550 le mode le plus souvent employé dans une subordonnée régie par une proposition affirmative à la Ière personne :

(249) Par Nostre Dame, y congnoist tout.

Je pense moy qu'il soyt propheste. (RGS, p. 164, 198)

(250) Je pense que ores Lesignien le herault soit la. Et par aventure pour moy delivrer je le trouveray sur le chemin. (Saintré, p. 90) (251) Pour ce, Lucifer, j'ay pencé

qu'il soit tempté et assally

et que quelque ung voyse vers luy (MystJM, p. 29, 2338) pour le tempter par quelque voye,

car, quant a moy, je ne sçauroye present y aller, car je suis si tormenté que je ne puis aller ou venir plus avant.

Selon les statistiques présentées dans le tableau 16, le verbe penser permet toujours au XVIe siècle plus de variation dans l’emploi du mode par rapport à cuidier ou à croire. Dans l’exemple 249, le locuteur souligne l’importance de son opinion en ajoutant le pronom moy. Dans tous les exemples cités, l’opinion est estimée non vraie par le locuteur. En outre, le doute est exprimé par le vocabulaire employé : dans l’exemple 250, le verbe trouver au futur et dans l’exemple 251 le pronom quelqu’un décrivent l'hésitation.

Quant au verbe cuidier, il faut d'abord noter que la première personne est moins souvent utilisée que dans le cas du verbe croire. Dans les textes datant de 1300 à 1450, l'emploi du subjonctif est pratiquement généralisé après toutes les personnes, vu que dans seulement 3 cas sur 75 le mode de la subordonnée régie par cuidier est l'indicatif. Les exemples à l'indicatif sont tirés d’Erec et des .XV.

joies de mariage. Dans un cas (v. l’ex. 255), le verbe de la complétive est au conditionnel représentant le futur du passé.

(252) – Sire, fait Hector a Eret, je cuid que nous nous travaillons pour neant (Erec, p. 92, 600–601)

(253) Itant ly dirés de par ma Dame du Lac, et se il ayme ne soy ne son frere, je cuid que celle le reconfortera. (Erec, p. 120, 778–780) (254) Je cuide que la pouvre femme ne parla oncques puis a home que

je demoure avecques elle (QJM, p. 43)

(255) Dont loerent aucuns a Grinus qu'il s'en alast a l'ymage en la place ou il lui donna l'annel, et feïst tant, s'il peüst, qu'il reüst son annel ; car s'il le pouoit avoir, ilz cuidoient de certain que l'ymage se apaiseroit. (Bérin, p. 30)

Dans les exemples 252, 253 et 254, le mode du verbe de la subordonnée indique l’opinion personnelle du locuteur. Si le locuteur exclut toute hypothèse, le mode de la subordonnée est l'indicatif. En effet, selon certains chercheurs (Haase 1969 : 188, Togeby 1979 : 179–180, Winters 1989 : 721), la complétive tend à présenter l’indicatif après cuidier à la Ière personne. En revanche, il suffit que cuidier soit employé à la IIe ou à la IIIe personne pour que le mode de la subordonnée soit le subjonctif, exprimant de toute évidence une nuance de subjectivité. Notre corpus démontre cependant qu’à partir de la seconde moitié du XVe siècle, le subjonctif commence à céder la place à l’indicatif, et ceci non

seulement à la Ière personne. Nous avons rencontré six exemples du verbe de la subordonnée à l’indicatif après cuidier à la IIe ou à la IIIe personne :

(256) Et pour ce qu'il cuidoit lors qu'elle ne fut pas encore couchee et que tantost deust venir a l'uys, il attendoit tout seul illec enmy (Arrêts, p. 17, 48–50)

(257) Cuydés vous que desoublz la nue

Il y a deux sortes de brus ? (RGS, p. 87, 50)

Le subjonctif se rencontre aussi après cuidier ou croire à la Ière personne. Là, il semble s'agir de l'expression d'appréciation ou d'attitude critique. L'opinion devient ainsi, selon le cas, pure supposition ou forte conviction (v. l’ex. 259).

Dans l’exemple 258, il s'agit de l'irréel du passé : Je cuide que se ce n'eust esté Reconfort, Qui Espoir si me ramena, je fusse mort.

(258) Ung jour vint a moy Desconfort, Qui Desespoir si m'amena, Dequoy il me despleut moult fort, Car durement me pourmena, Se ce n'eust esté Reconfort, Qui Espoir si me ramena,

Je cuide que je fusse mort, (F&A, p. 100, 2773) Tant Desconfort me demena.

(259) Tres vaillant damoiselle, selon ce que je tiens de vous, je croy certainement que vous soiez celle a qui j'ay donné m'amour pour le debonnaire service quevous me feïstes par vostre courtoisie, et bien pouez avoir entendu de moy que je ne me suis ottroié a vous aimer pour haultesse ne pour gentillesse que vous aiez, fors seulement pour la grant bonté que vous me feïstes par vostre humillité, en tel point que, se vous ne m'eüssiez secouru et aidié, je n'eüsse ja passé celle nuit. (Bérin, p. 70)

(260) Madame, qui de ce oïr fut bien aise, en sousriant lui dist : " Et qui le vous a dit, abbés ? Quant a moy je croy qu'il soit ainsin. " Et en disant ces parolles elle marchoit sur les piez de damp Abbés.

(Saintré, p. 277)

Quant aux 22* exemples rencontrés au mode du verbe de la subordonnée d'identification difficile, la présence du ne explétif suggère le subjonctif dans 7 passages :

(261) Vous doubtez en vostre pensee

Que Ronmains ne vous viengnent cuerre

Et qu'i ne vous tollent la terre (Passion, p. 51, 1544) Et qu'i ne vous fachent engagne

Pour che que mon enfant ensagne Que le peuple soit pacïent.

(262) Et ne doubtez que je n’y garde mon honneur, comme une bonne fille doit faire ! (CNN, p. 172, 293–295)

(263) Je ne dy pas qu'on ne retire (RTS, p. 346, 24) Son droit ainsi et ainsi.

Le verbe régissant, cuidier, a plutôt tendance à se construire avec le subjonctif (135/167 cas, soit 80,8 %). Par conséquent, le verbe de la subordonnée est vraisemblablement au subjonctif dans 8* attestations rencontrées, dont voici 2 exemples :

(264) Et cuides tu que je t’en baille ? (RTF, p. 61, 260) Nennin, par Dieu, une poujoyse.

(265) Et ne soiez ja si presumptueux de cuider que le chevalier la vous laisse mener sans la defendre. (CNN, p. 549, 121–123)

En ce qui concerne les 6* exemples restant à expliquer, il s’agit d’une proposition principale soit négative, soit interrogative, ce qui rend vraisemblable le subjonctif en subordonnée.

(266) Je ne croy pas que ung tel homme desloge avant le jour ; ce ne seroit pas honneste chose à lui. (Jouven, p. 207)

(267) Corbieu ! pensez vous qu’il me tarde (Cherré, p. 57, 292) Que ne suis a quelque avant-garde

Ou a faire quelque combat ?

Dans beaucoup de cas, l'emploi du mode dans la proposition subordonnée régie par une principale au verbe d'opinion ou de perception dépend donc du sens à attribuer à la subordonnée. Cependant, l'incertitude plus ou moins grande de l'énoncé se fonde sur un jugement individuel et subjectif. En moyen français, la réalité ou l'irréalité de l'action ne détermine pas exclusivement le mode, dont la variation observée avant l'imposition des règles grammaticales de l'époque classique. En moyen français, les verbes déclaratifs sont souvent suivis du subjonctif. Par contre, le subjonctif de l'ancien français est remplacé par l'indicatif après les expressions de possibilité ou de doute en moyen français.

Une des causes en pourrait être l'emploi diminué du verbe cuidier. Comme l'indiquent les exemples traités ci-dessus, la variation modale caractérise cependant tous les genres littéraires.