• Ei tuloksia

1.2 Études sur le subjonctif français

1.2.1 Approches syntaxiques

Selon les approches syntaxiques, l’emploi du subjonctif dans la proposition subordonnée dépendrait uniquement des composants syntaxiques ou lexicaux de la proposition principale. En outre, selon quelques linguistes10 (Meyer-Lübke 1899 (1972) : 144–145, Bally 1950 : 178–179, 219, Jensen 1974 : 13, Foulet 1930 (1977) : 204–205), le subjonctif français cumulerait à travers le latin la valeur du subjonctif et celle de l’optatif des langues anciennes (cf. p. 54). L’idée de base du subjonctif est la volonté, tandis que celle de l’optatif est le désir. En grec, ces valeurs se sont modifiées : le subjonctif exprime l’activité voulue, l’optatif l’activité représentée. En latin, la morphologie du subjonctif dérive aussi bien du subjonctif que de l’optatif. Pour Bally (1950 : 46, 48), le subjonctif français s’emploierait par simple conformité à une tradition et serait ainsi devenu un fossile linguistique sans sens spécial ; le subjonctif serait un symbole arbitraire ou un outil de transposition d’une proposition indépendante à une proposition complexe. A l’instar de Bally, Foulet (1930 (1977) : 204) considère l’emploi du subjonctif français comme majoritairement conventionnel, ce qui enlèverait tout intérêt à une étude sémantique de ce mode. L'affirmation de Bally et de Foulet doit être considérée comme exagérée parce que c'est justement l'emploi du mode qui permet d'opposer par exemple les deux phrases suivantes : il semble que vous ayez raison ('on suppose que vous ayez raison') et il semble que vous avez raison ('on peut dire que vous avez raison').

L'étude de Klare porte sur un problème spécifique : il a examiné les subordonnées concessives à partir de l’ancien français jusqu’au français moderne dans son ouvrage Entstehung und Entwicklung der konzessiven Konjunktionen im Französischen (1958). Selon les résultats (Klare 1958 : 322–323), l'indicatif s'y emploierait à côté du subjonctif sans qu'aucune règle définisse le mode jusqu’au XVIIe siècle. Cette affirmation nous semble fort exagérée. Dans l'absence d'une norme française, le modèle latin exerçait bien une influence considérable sur l'emploi des modes : lorsque la concession réfère à une action

9 Autres approches syntaxique : Sneyders de Vogel (1927), Harmer (1954), Börjeson (1966), Hejno (1980), Cox (1986).

10 À l’instar des approches syntaxiques, selon les fonctionnalistes Lerch (1919 c : 7), Regula (1936 : 323–324), von Wartburg – Zumthor (1958 (1973) : 223), le subjonctif français cumulerait les valeurs des deux modes indo-européens subjonctif et optatif.

réelle, le latin classique emploie l’indicatif. Si la concession est hypothétique, le subjonctif est utilisé (v. le chapitre 1.5 p. 55). Dans la langue vernaculaire, l’indicatif était cependant encore plus fréquent que le subjonctif après les locutions conjonctives bien que, quoique et encore que. Klare considère l’emploi fréquent de l’indicatif comme un effet de style (1958 : 161) particulier de certains auteurs (Villon, Commynes, Rabelais) (1958 : 120), qui s'en serviraient pour souligner le caractère réel du contenu rapporté (1958 : 189). Au milieu du XVIIe siècle, l’Académie française imposa le subjonctif dans les concessives.

L’analyse présentée dans Strukturen des Konjunktivs im Französischen (1967) de Rothe n’est pas très approfondie non plus. L’étude porte sur le latin classique, l'ancien français et notamment le français moderne. Rothe cherche à expliquer la syntaxe à l'aide de la méthodologie phonologique en recourant à des tests de commutation dans le but de découvrir une opposition entre l'indicatif et le subjonctif. Le test de commutation peut servir à distinguer deux éléments d'une paire minimale (par ex. la paire [u] / [ɔ@ en français) si l’alternance de ces éléments provoque une différence sémantique (pour/port). De même, il peut indiquer une différence entre deux éléments, par exemple l’indicatif et le subjonctif, si l’alternance de ces éléments provoque une différence dans l’expression (par ex. entre fais et fasse). Rothe vise à identifier les variantes facultatives d'une part et les variantes automatiques de l'autre.

La description de la syntaxe du latin et de l’ancien français suit les principes déjà présentés dans les études de Foulet (1930 (1977)), de Bassols de Climent (1945 (1967)), d’Ernout et de Thomas (1953 (1984)), et de Moignet (1959) (v. notre résumé dans le tableau 3 p. 73). En ce qui concerne le français moderne, l'étude de Rothe (1967 : 236–238) ne comporte non plus rien de nouveau : l'emploi du subjonctif peut être automatique, le subjonctif peut concurrencer l'indicatif sans différence de sens (variante facultative) ou une opposition sémantique peut être repérée entre l'indicatif et le subjonctif (dire qu'il vient/vienne). Quant à l’opposition sémantique, selon Rothe, il s’agit d’un jeu entre le sens provoqué par l’indicatif et celui que donne le subjonctif, de même que l’opposition entre [u] et [ɔ@ provoque un changement de sens dans pour/port.

Nous doutons de la validité de la méthode de commutation phonologique dans l’étude sémantique. Rothe (1967 : 99–100) veut démontrer que dans je dis qu’il vient en face de je dis qu’il vienne, le sens du verbe dire dépendrait du mode de la subordonnée parce que dans le dernier cas on peut substituer vouloir à dire : je veux qu’il vienne. La substitution de vouloir à dire serait-elle cependant purement sémantique ? Dans son test de commutation, Rothe devrait démontrer, sur le plan de la parole, une identité entre [di] et [vø] ce qu’il ne fait pas. Même Rothe (1967 : 100) admet que /ʒədi/ et /ʒəvø/ n'ont pas le même sens.

Boysen (1971) propose une hiérarchie syntagmatique à trois niveaux pour décrire l’emploi du subjonctif et les facteurs qui déterminent l'emploi de ce mode.

Le premier niveau, soit le niveau homonexe11, est attribué à l’emploi du subjonctif dans la proposition indépendante (quelques rares verbes employés à l’imparfait ou

11 Le niveau homonexe, terme inventé par Boysen (1971 : 26), comprend l'emploi du subjonctif qui ne dépend pas de facteurs extérieurs à la proposition.

au plus-que-parfait du subjonctif). L’emploi homonexe du subjonctif se rencontre aussi en complétive : je crois qu’il eût fait le travail. Il s'agit ici d'un emploi exceptionnel du subjonctif au lieu du conditionnel. Selon le linguiste danois (1971 : 165), le facteur déterminant le subjonctif est alors situé dans la subordonnée elle-même. Boysen, sans identifier ce facteur de manière générale, insiste sur le caractère particulier de chaque cas. Au deuxième niveau, soit au niveau homo-hétéronexe, le subjonctif est utilisé dans une proposition subordonnée précédant une proposition principale, par exemple qu’il fasse le travail, je le crois. Le niveau le plus important, selon Boysen, est enfin le troisième, soit le niveau hétéronexe comprenant le subjonctif de la proposition subordonnée précédée d’une proposition principale : je ne crois pas qu’il fasse le travail. Au troisième niveau sont distingués quatre groupes de facteurs déterminant l’usage du subjonctif : préfixes dérivatifs, flexifs (temps, mode, aspect, personne), facteurs syntaxiques et racine du verbe de la principale, soit la sémantique. Boysen (1971 : 87) se sert de la paire espérer – désespérer pour montrer l’influence du préfixe dé(s)- sur le mode subjonctif dans Le rêve de ma vie est mal employé et je désespère qu’à moi seul je puisse l’amener à la vie.

Selon Boysen (1971 : 89–90), l’influence de deux flexifs sur le mode subjonctif peut être constatée dans Supposons que vous ayez été présent, où le verbe de la principale est à l’impératif (mode) et à la Ière personne du pluriel. Quand il n’y a pas de sujet, comme c'est le cas du syntagme en admettant que, le verbe de la subordonnée est au subjonctif (Boysen 1971 : 97) : En admettant que notre traduction soit fidèle, la solution proposée par Hegel ne peut nous contenter. L’influence de la racine négative du verbe ignorer de la principale explique l'emploi du subjonctif de la subordonnée (Boysen 1971 : 126) : J’ignorais que nous ayons à fournir le nom et l’adresse de notre dentiste.

The Syntax of the Old French Subjunctive (1974) de Jensen présente une étude descriptive de l'emploi du subjonctif en ancien et en moyen français, malgré l’absence de ce dernier terme dans le titre. Jensen (1974 : 7) date l’ancien français à la période allant de 842 à 1500. Le but du travail est une description de tous les emplois syntaxiques du subjonctif et une étude des déviations de ce que Jensen appelle la norme. Aucune définition de cette norme n'est donnée. L'analyse des occurrences repérées n’est malheureusement pas très développée (aucune statistique). L'auteur ne distingue pas suffisamment les différentes époques étudiées. Selon Jensen, l’indicatif s’employerait presque toujours avec les verbes de sentiment, même avec le verbe craindre (cf. le latin, où était utilisé le subjonctif). Le subjonctif se rencontrerait souvent après les propositions affirmatives en cuidier, penser, croire (verbes d'opinion). L'emploi du subjonctif dans une subordonnée causale en comme ne ferait qu'imiter la syntaxe latine.

L’imparfait ou le plus-que-parfait du subjonctif seraient fréquents dans les propositions hypothétiques.

D'après l'analyse de Gross (1978), il serait impossible de prévoir l'emploi du subjonctif français à cause de l'incohérence et l'obscurité des valeurs attribuées à ce mode. Le subjonctif ne serait qu’une variante morphologique de l’indicatif sans sens spécial. Tout comme Foulet, Gross (1978 : 64) nie l’intérêt d’une étude sémantique du subjonctif. Il semble toutefois improbable que la langue, en dépit de tout principe économique, persiste à garder des formes verbales sans sens spécial. Si l’affirmation de Gross était correcte, nous pourrions présumer que la morphologie

du subjonctif des verbes irréguliers aurait fini par être remplacée par celle de l’indicatif. Il est vrai que la morphologie du subjonctif présente une nette tendance à la simplification. Par exemple, le verbe donner avait trois formes de subjonctif présent en ancien français : doigne, doinst et donge (IIIe pers. du sing.), qui remontent vraisemblablement aux formes doing et doins de la Ière personne du singulier de l’indicatif présent (Lanly 1977 : 15, 126). Le subjonctif du français moderne garde cependant la forme done > donne, identique à la IIIe personne de l’indicatif présent.

Malgré l'économie morphologique, les verbes irréguliers gardent toujours une remarquable complexité au subjonctif. Rappelons aussi que certains verbes déclaratifs, par exemple dire, imposent toujours soit l'indicatif (affirmation) soit le subjonctif (ordre) au verbe de la subordonnée : j’ai dit (= annoncé) qu’on sert le dîner vs j’ai dit (= ordonné) qu’on serve le dîner (cf. Bally 1950 : 313).

Dans une étude sur le français parlé au Canada, Poplack (1992 : 257) considère les propriétés (morpho)syntaxiques de la proposition principale comme le facteur déterminant le mode de la subordonnée. Comme il est impossible d'identifier un dénominateur commun pour tous les emplois du subjonctif, la variabilité en serait un trait inhérent. Pour Poplack (1992 : 242–243), l’indicatif, le subjonctif et le conditionnel sont des variantes d’une seule variable linguistique, ce qui en expliquerait l’alternance dans une subordonnée sans différence sémantique. La sélection entre les modes mentionnés est conditionnée par la présence ou l'absence de certains facteurs syntaxiques ou morphologiques de la proposition principale, dont des expressions d’affirmation, de négation, d’interrogation et de condition. Les résultats de Poplack mettent en évidence la rareté des contextes dans lesquels l’emploi du subjonctif est optionnel. En premier lieu, dans plus de 80 % des occurrences le verbe falloir régit une subordonnée au subjonctif. En outre, la langue parlée présente un nombre élevé de locutions conjonctives12 (pour que) et de verbes (vouloir) fortement associés au subjonctif. Les résultats de Poplack ne font que confirmer ceux de nombre d'études antérieures. D'après Poplack (1992 : 258), le français est probablement la langue la plus hautement codifiée et standardisée des langues européennes. Le français canadien admet ainsi peu de variation dans l’emploi des modes.