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PARTIE II – MÉTHODOLOGIE ET DONNÉES

5.2 Données : le DCT oral et les entretiens rétrospectifs

5.2.4 Précision et complexité dans les productions des

Les recherches antérieures ont montré que le cadre CAF, « complexity, accuracy, fluency » en anglais, convient bien pour déterminer la compétence générale des locuteurs L2 (p. ex. Ellis et Barkhuizen, 2005). La complexité (ang. complexity) renvoie au niveau d’élaboration du langage produit ; la précision (ang. accuracy) mesure la capacité de produire des énoncés dont les structures correspondent à celles utilisées par les locuteurs L1 ; la fluidité (ang.

fluency) est liée à la quantité des pauses et des hésitations dans la production orale (Ellis et Barkhuizen, 2005 : 139). Nous nous servons des deux premiers paramètres pour déterminer les différences de niveau d’acquisition entre les trois groupes L2 étudiés. Nous n’analysons pas la fluidité pour des raisons pratiques : les exigences liées à la longueur d’une thèse ne permettent pas l’analyse des pauses et des hésitations, qui demanderait excessivement de temps.

Pour déterminer le taux de la précision des productions, nous avons calculé la proportion des propositions correctes et incorrectes. Selon Foster et Skehan (1996 : 304), cette mesure permet de comparer les productions dans lesquelles les formes spécifiques varient et de révéler la variation entre les sujets examinés. En ce qui concerne la complexité, nous avons calculé le nombre des propositions divisé par le nombre des unités AS dans les productions des apprenants (cf. Foster et Skehan, 1996 : 310, qui ont utilisé comme mesure

« clauses/c-units »). Pour mener cette analyse, nous avons d’abord divisé les productions en unités AS (« Analysis of Speech Unit, AS-unit ») et propositions (ang. « clauses ») selon le modèle proposé par Foster et al.

(2000). D’après eux, une unité AS est un énoncé produit par un seul locuteur consistant en une proposition indépendante ou une unité de niveau inférieur (« sub-clausal unit ») avec toutes les propositions subordonnées qui y sont liées (Foster et al., 2000 : 365). Cette division est plutôt syntaxique que sémantique et elle ne dépend pas de l’intonation, ce qui fait qu’il est plus facile d’identifier les unités à analyser (Foster et al., 2000 : 366). Une proposition indépendante contient au moins un verbe fini, mais les unités de niveau inférieur peuvent être des énoncés minimaux ou des phrases courtes qui

peuvent être élaborées en propositions grâce au contexte, comme le montrent ces exemples de Foster et al. (2000 : 366) :

(5.1) A : | how long you stay here | (1 unité AS) B : | three months | (1 unité AS)

(5.2) | yes | (1 unité AS)

Les propositions subordonnées, selon Foster et al. (2000 : 366), contiennent un élément verbal fini ou non-fini combiné à un autre élément (sujet, complément d’objet, complément circonstanciel). Dans l’analyse, les unités AS sont séparées par le signe | et les propositions subordonnées par deux deux-points (::). Les répétitions et les reformulations ne sont pas considérées, mais elles sont séparées avec les signes {}. En voici des exemples de Foster et al.

(2000 : 367‒368) :

(5.3) | I wish :: to er visited other areas of England | (1 unité AS, 2 propositions)

(5.4) | I would like :: to ask you :: if you can give me three weeks leave now | (1 unité AS, 3 propositions)

(5.5) | so he {decides} {decided} decided :: to go fishing | (1 unité AS, 2 propositions)

Pour connaître le degré de la précision et de la complexité chez nos informateurs L2, nous avons donc d’abord divisé les productions des locuteurs de FLE en unités AS et en propositions selon ce modèle. Ensuite, nous avons classé les propositions en correctes ou incorrectes, et calculé le taux des propositions correctes (= la précision) ainsi que le nombre des propositions par rapport au nombre des unités AS (= la complexité).

Une proposition a été classée comme correcte si elle ne contient pas d’erreurs morphologiques ou syntaxiques. Nous avons tenu compte des erreurs lexicales seulement dans les cas où le mot choisi est incontestablement faux (cf. Foster et Skehan, 1996 : 310). En faisant cette analyse, nous avons dû prendre en considération le contexte de l’énoncé : par exemple, la proposition

« je voudrais voir ta note » (D03) a été classée comme erronée, car elle a été produite dans une situation de requête dans laquelle il fallait demander les notes d’une étudiante et « la note » ne signifie pas la même chose que « les notes », ce qui pourrait conduire à des malentendus.

Nous soulignons que cette analyse est loin d’être parfaite, mais nous sommes tout de même convaincue qu’elle peut être utilisée pour déterminer les différences dans le niveau d’acquisition entre différents groupes. Voici un extrait pour illustrer l’analyse de la précision et de la complexité :

(5.6) | bonsoir | vous écoutez le musique trop | {c'est} {c'est un peu} c'est très difficile pour moi :: à concentrer pour cet examen | est-ce que c'est possible :: d'écouter le musique un peu {moins} moins comme ça |

Dans cette production, il y a quatre unités AS, séparées par les signes |, et six propositions. Les propositions incorrectes sont soulignées.

Après avoir mené ces analyses, nous avons calculé la moyenne et l’écart type des proportions de propositions correctes et des taux des propositions par unités AS dans chaque groupe à étudier (tableau 8). Les analyses nous ont également permis de créer la figure 8 qui illustre la complexité (l’axe des y) et la précision (l’axe des x) des productions de chaque informateur.

Tableau 8. Statistique descriptive pour la précision (la proportion des propositions correctes) et la complexité (le taux des propositions par unités AS)

Débutant

Figure 8 Niveau de complexité et de précision de chaque informateur

En observant le tableau 8 ainsi que la figure 8, nous pouvons constater qu’en général, les requêtes produites par les locuteurs L2 débutants ont été moins correctes et moins complexes que celles produites par les locuteurs L2 intermédiaires. Les locuteurs L2 avancés, quant à eux, ont produit des requêtes généralement plus correctes et plus complexes que les deux autres groupes. Mais ces différences sont-elles statistiquement significatives ? Le tableau 8 et la figure 8 nous permettent de constater qu’il y a de la variation au sein des groupes et que les groupes se chevauchent partiellement : par exemple, certains informateurs débutants ont produit des énoncés relativement complexes (le taux des propositions par unités AS ≥ 1,4), et chez certains informateurs avancés, le niveau de la précision est assez bas (la proportion des propositions correctes ≤ 80 %). Afin de vérifier si les moyennes des groupes diffèrent de façon significative, il faut mener des analyses

statistiques inférentielles. Pour ce faire, nous avons exploité le logiciel IBM SPSS Statistics 25.

En ce qui concerne la proportion des propositions correctes, nous avons effectué une analyse de variance à un facteur (ang. « one-way ANOVA ») qui a montré une différence statistiquement significative entre les moyennes des trois groupes (F(2, 49) = 57.015, p<.0005, η2 = .699). Un test post hoc de Scheffe a permis de vérifier qu’il y a effectivement une différence significative entre le groupe débutant et le groupe intermédiaire (p<.0005) ainsi qu’entre les groupes intermédiaire et avancé (p = .004). Quant au taux des propositions par unités AS, nous avons dû effectuer un test de Kruskall-Wallis H, car les données s’écartent de la distribution normale dans le groupe débutant. Ce test nous a permis de constater une différence statistiquement significative entre les moyennes des taux des propositions par unités AS (H(2) = 10.874, p = .004, bilatéral). Une comparaison par paires post hoc montre cependant que seulement les groupes débutant et avancé diffèrent de façon statistiquement significative (p = .004) tandis que la différence entre les groupes débutants et intermédiaires reste non-significative (p = .108), ce qui est également le cas pour la différence entre les groupes intermédiaires et avancés (p = .995).

Les tests statistiques effectués ont confirmé que les groupes étudiés diffèrent quant à la précision et à la complexité malgré certains individus divergents. La précision des locuteurs L2 s’améliore d’un niveau à l’autre – autrement dit, les locuteurs L2 avancés produisent des requêtes grammaticalement plus appropriées que les locuteurs L2 intermédiaires, et les requêtes du groupe intermédiaire sont plus acceptables que celles du groupe débutant. Une différence significative dans la complexité se trouve cependant seulement entre les niveaux débutant et avancé, ce qui implique que les groupes débutant et intermédiaire ainsi que les groupes intermédiaire et avancé ne diffèrent pas significativement au niveau de la complexité. Il est possible que les situations de requête choisies ne permettent pas d’éliciter une grande variété de complexité et que les requêtes produites par les locuteurs intermédiaires et avancés s’approchent du maximum de la complexité possible dans ces types de situations (= l’effet de plafond).

Nous soulignons que les indicateurs choisis pour mesurer la précision et la complexité, c’est-à-dire la proportion des propositions correctes et le taux des propositions par unités AS respectivement, sont grossiers et ne servent qu’à illustrer les différences entre les niveaux d’acquisition des groupes. Nous avons également constaté que certains individus dans le groupe débutant dépassent une partie des locuteurs L2 intermédiaires soit au niveau de la complexité, soit au niveau de la précision des productions, et que certains locuteurs L2 avancés produisent des énoncés moins complexes et/ou moins corrects qu’une partie des locuteurs L2 intermédiaires. Malgré ces écarts, nous croyons avoir pu montrer que les groupes L2 examinés diffèrent quant à leur compétence linguistique.

Par la suite, nous nous intéresserons aux manières dont cette différence dans la compétence grammaticale se manifeste au niveau pragmatique, plus précisément dans la production des requêtes.

6 MÉTHODE D’ANALYSE

Les données de la présente étude comprennent des requêtes enregistrées, obtenues par le DCT oral, et des entretiens rétrospectifs. Les méthodes et les étapes pour la collecte de ces données sont décrites dans le chapitre 5. Dans le présent chapitre, nous décrirons d’abord les étapes d’analyse (6.1) et ensuite la classification adoptée pour le classement des requêtes (6.2).