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PARTIE II – MÉTHODOLOGIE ET DONNÉES

6.1 Étapes d’analyse

Nous avons commencé l’analyse par le classement des requêtes selon un système de classification décrit plus en détail dans 6.2. Les requêtes ont donc été classées selon les éléments d’ouverture, les stratégies (in)directes, les modificateurs internes et externes, la perspective et les formes d’adresse employés. Nous avons analysé ces aspects dans les requêtes de façon statistique descriptive ; malheureusement, les données ne sont pas suffisamment étendues pour permettre de mener des analyses statistiques inférentielles.

Comme l’affirment Ogiermann et Sassenroth (2012 : 372), il n’est pas recommandé de conduire des tests inférentiels dans l’ensemble des données pragmatiques rassemblées par un DCT qui comprend plusieurs scénarios, parce que la force illocutoire de l’élément examiné varie selon le scénario en question. Dans la présente étude, le nombre des occurrences d’un élément particulier dans un scénario particulier par groupe reste trop réduit pour ce type de tests, étant donné le nombre des informateurs par groupe (v. 5.2.3).

Les analyses statistiques descriptives sont donc utilisées afin de ne pas biaiser les résultats bien qu’elles puissent montrer seulement des tendances préliminaires qui devraient être confirmées (ou rejetées) dans un plus grand corpus (cf. Barron, 2003 : 153).

L’analyse statistique descriptive des éléments est toutefois complétée par des analyses plus qualitatives des requêtes ; il s’agit donc de l’examen détaillé des formulations spécifiques utilisées par les informateurs. Étant donné que les requêtes en français L2 et la compétence pragmatique des locuteurs finnophones de FLE n’ont été examinées que dans certaines études jusqu’à présent, la description des requêtes produites par ce groupe de locuteurs est d’une grande importance, voire innovatrice.

En outre, l’analyse des formulations de requête est étayée par l’examen des entretiens rétrospectifs, ce qui n’a pas été fait dans la majorité des études sur la requête en L2. Nous avons conduit une analyse de contenu afin de mieux comprendre les aspects qui influencent les formulations de requête (v. 5.2.1 pour les questions des entretiens rétrospectifs). Nous avons utilisé le logiciel

ont été codées selon leur contenu dans des catégories ou « nodes » selon les termes de NVivo. Dans la majorité des cas, un extrait est classé dans plusieurs catégories. Prenons-en un exemple.

(6.1) les situations avec les professeurs ça m'a fait penser qu'en France on a un rapport très particulier avec les professeurs tout ce qui est beaucoup de formules de politesse vouvoiement obligatoire ça devrait pas se passer comme ça mais quand il s'agit d'aller demander plus d'informations ou d'aller un peu plus loin que le cadre du cours c'est toujours très gênant on est les Français en tout cas et même à l'université quand on a vingt ou vingt-cinq ans c'est toujours aussi on a un rapport très hiérarchique avec les professeurs (FR02)

Dans l’extrait (6.1), l’informatrice FR02 parle de la perception des situations de requête du DCT et de ce qu’elles ont suscité en elle. Elle se concentre sur les scénarios avec les professeurs (Dissertation et Livre) et signale que les requêtes aux professeurs exigent « beaucoup de formules de politesse, vouvoiement obligatoire » et que c’est « très gênant » de faire ce type de requêtes à cause de la hiérarchie. Cet extrait est donc classé dans les catégories réflexions langagières, politesse, professeurs, hiérarchie, formes d’adresse, marqueurs de politesse. Les deux premières catégories, réflexions langagières et politesse sont des catégories d’un niveau supérieur, parce que FR02 ne les mentionne pas de façon explicite, tandis que les autres catégories sont d’un niveau inférieur, parce que ces aspects sont mentionnés.

Ce classement des entretiens nous a permis de trouver des phénomènes dont tous les groupes parlent, et il est facile d’extraire les parties des entretiens qui mentionnent le même aspect et de les comparer plus en détail. Par exemple, nous avons pu comparer ce que les informateurs L2 disent sur les différences entre les langues-cultures française et finnoise par l’extraction de tous les passages codés dans la catégorie comparaison fi-fr. Nous tenons toutefois à souligner que dans la présente étude, les entretiens rétrospectifs sont utilisés surtout pour mieux comprendre les requêtes produites dans le DCT oral, ce qui mène à les considérer comme un sous-corpus secondaire.

Avant de passer à la présentation de la classification des requêtes, faisons quelques remarques générales sur les principes que nous suivons dans l’analyse des formulations de requête. Premièrement, nous analysons la forme

« finale » dans l’énoncé, ce qui veut dire que nous ne tenons pas compte des hésitations et des reprises. Cela concerne les productions en L1 et en L2. En voici des exemples48 :

(6.2) est-ce que vous faites des papiers-cadeau s'il vous plaît ((rire)) ou

(j'irais/j` dirais) plutôt j'aimerais savoir si vous faisiez des p- des papiers-cadeau (FR22, Paquet-papiers-cadeau)

48 Rappelons que la convention de transcription est présentée au début du travail.

(6.3) bonjour euh vous pouvez euhm <<eiku eiku eiku [[particule de

planification]]>> vous pourriez <((rire)) vous pourriez> euhm [ʁɑpe]/ (.) mon (.) pa- paquet-cadeau (.) s'il vous plaît/ (D24, Paquet-cadeau)

Dans l’exemple (6.2), l’informatrice FR22 produit d’abord la formulation de requête « est-ce que vous faites des papiers-cadeau s’il vous plaît » mais n’est pas satisfaite de sa production et dit « j’irais/j` dirais plutôt » pour indiquer une reformulation. Dans cette production, c’est la deuxième formulation qui est analysée (« j’aimerais savoir si vous faisiez des papiers-cadeau »). Dans l’exemple (6.3), D24 commence par une salutation et « vous pouvez », mais fait ensuite une reformulation qui prend la forme d’une triple répétition de la particule de planification finnoise « eiku », couramment utilisée dans les autocorrections (VISK § 861), après quoi elle produit la forme « vous pourriez ». Cette requête sera donc analysée comme ayant le conditionnel comme un modificateur interne (v. 7.2.3).

Deuxièmement, en ce qui concerne les formes non-standards, nous avons analysé chaque formulation telle qu’elle est produite. Dans le cas des modificateurs internes, par exemple, une formulation telle que « est-ce que je pouvais le faire un peu plus tard » (I09, Dissertation) est analysée comme incluant le modificateur interne temps du passé, l’imparfait, même s’il n’est pas naturel dans ce contexte et qu’il est possible que l’apprenant ait visé le conditionnel. L’exemple (6.3) ci-dessus illustre un autre problème avec les productions divergentes – nous ne savons pas ce que D15 veut dire par « vous pourriez [ʁape] mon paquet-cadeau s’il vous plaît », même si, grâce au contexte (c’est-à-dire la description de la situation donnée à l’informateur dans le DCT), nous pouvons assumer qu’elle a voulu dire emballer49. En tout cas, il est possible d’analyser cette requête, car nous pouvons y distinguer l’acte central, la stratégie (une question sur une condition de réussite sur la capacité de l’interlocuteur, v. 7.2.2) et les modificateurs internes utilisés (le conditionnel et le marqueur de politesse, v. 7.2.3).

Troisièmement, lorsque nous classons les différentes parties des requêtes, nous ne tenons pas compte des remarques méta-langagières ou des marqueurs d’hésitation et de reformulation finnois dans les productions des locuteurs L2, étant donné que nous avons examiné seulement la production française.

Illustrons cela avec un exemple :

(6.4) je voudrais avoir euh (.) mm (le) <<apua en mä osaa sanoa tätä [[au secours je sais pas comment le dire]]>> (.) extra temps ((rire)) euh pour euh (.) euh (.) <<eiks écrire oo kirjottaa on [[écrire veut dire écrire n’est-ce pas oui]]>> écrire <<°sitte° [[ensuite/alors]]>> m:a réda- ma

rédaction (D15, Dissertation)

Dans cette production, D15 commence sa requête en disant « je voudrais avoir » mais ne sait pas comment dire « un délai supplémentaire » ou « plus

de temps » et exprime son hésitation en finnois « apua mä en osaa sanoa tätä », ‘au secours je sais pas comment le dire’. Ensuite, elle continue directement avec une expression approximative, « extra temps ». La locutrice sait probablement que cette expression n’est pas tout à fait correcte, car elle rit. Elle éprouve le besoin d’exprimer une justification pour cette requête, et trouve la préposition, pour, mais hésite avec le verbe écrire, et prononce en finnois son doute : « eiks écrire oo kirjottaa on » ‘‘écrire’ veut dire écrire n’est-ce pas oui’50. Par la répétition du mot, la locutrice confirme que le verbe est bon. Pour finir la requête, elle doit spécifier ce qu’elle doit écrire, et montre que sa production continue en disant « sitte », ‘ensuite’, à voix basse avant de produire le complément d’objet manquant, « ma rédaction ».

Cette production est un exemple extrême de la discontinuité dans les requêtes de quelques locuteurs L2. Certains, comme D15 en question, montrent leurs doutes et les étapes de réflexion à haute voix tandis que d’autres réfléchissent de façon silencieuse, ce qui fait que leurs productions contiennent de nombreuses pauses, parfois très longues. Dans l’exemple (6.4), nous classerons la requête selon les aspects présentés dans le sous-chapitre 6.2 sans tenir compte d’arrêts et de remarques méta-langagières (bien que, nous l’admettons, il soit intéressant de les analyser) : « je voudrais avoir extra temps pour écrire ma rédaction ».

Même si nous ne tenons pas compte de la discontinuité et des expressions inappropriées dans les productions des locuteurs L2, nous avons dû exclure deux requêtes produites par les locuteurs L2 débutants à cause de leur formulation excessivement problématique – autrement dit, elles n’ont pas pu être analysées. Cela nous laisse 694 requêtes, dont 136 en finnois L1, 136 en français L1 et 422 en français L2 (v. tableau 9).

Tableau 9. Nombre des requêtes par groupe

Débutant

50 Cet énoncé est probablement partiellement destiné à la personne faisant l’entretien, autrement dit à nous. Cependant, nous n’y avons pas réagi. Ces types de remarques ne seraient pas faits dans une interaction réelle, ce qui montre l’une des différences entre les interactions authentiques et les réactions élicitées. Elles offrent cependant des aperçus sur les étapes par lesquelles les locuteurs L2 passent en formulant leurs requêtes.

Ces requêtes sont classifiées selon les caractéristiques présentées dans le sous-chapitre suivant.