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PARTIE I – CADRE THÉORIQUE

4.2 Compétence pragmatique

4.2.1 Compétence pragmatique dans les modèles de compétence

Dans cette section, nous donnerons un bref aperçu des modèles de compétence communicative qui traitent la compétence pragmatique comme un composant important de la compétence langagière générale. Les modèles que nous présenterons ne sont pas issus de la pragmatique de l’interlangue (PIL) mais plutôt de la recherche en acquisition de langues secondes (RAL), et plusieurs de ces modèles ont été développés aux fins de l’évaluation langagière en L2.

Même si ces modèles sont également exploités dans la recherche pédagogique et dans l’enseignement de langues, nous les examinerons plutôt pour définir les types de savoirs faisant partie de la compétence langagière et notamment de la compétence pragmatique.

La manière dont la compétence langagière est perçue a beaucoup changé au cours du siècle dernier, en partie grâce aux développements dans d’autres domaines de la linguistique, comme la sociolinguistique et l’analyse conversationnelle (Scarcella et al., 1990 : xi). Après la parution de l’article de Hymes (1972), le concept de compétence langagière, d’abord simple connaissance grammaticale, s’est élargi pour devenir une compétence communicative, et la capacité d’utiliser la langue dans des situations de communication sociales est devenue essentielle dans les modèles de compétence langagière les plus connus (Canale et Swain, 1980 ; Canale, 1983 ; Bachman, 1990 ; Celce-Murcia et al., 1995). La figure 6 ci-dessous regroupe ces modèles et, dans ce qui suit, nous parcourrons ces modèles et en particulier la manière dont ils présentent la compétence pragmatique.

Canale et Swain, 1980

Canale, 1983 Bachman, 1990 Celce-Murcia et al., 1995 Figure 6 L’évolution de la compétence communicative (modifiée et traduite en français

d’après la figure de Celce-Murcia et al., 1995 : 11)

Le premier modèle sur la compétence communicative est celui de Canale et Swain (1980). D’après ce modèle, la compétence communicative se compose

des compétences grammaticale, stratégique et sociolinguistique. La compétence grammaticale inclut la connaissance des éléments lexicaux, morphosyntaxiques et phonologiques de la langue, tandis que la compétence stratégique est nécessaire pour compenser les ruptures de communication – par exemple dans une situation où le locuteur n’a pas accès à un élément grammatical ou lexical dont il aurait besoin, ou qu’il ne sait pas comment s’adresser à son interlocuteur (Canale et Swain, 1980 : 29‒31). Comme le montre la figure 6, la compétence stratégique est présente dans tous les modèles de compétence communicative. Dans le modèle de Canale et Swain (1980), la compétence sociolinguistique comprend la connaissance des règles socioculturelles (le fait de savoir quels énoncés sont appropriés dans tel ou tel contexte socioculturel) et des règles de discours (la cohésion et la cohérence) (Canale et Swain, 1980 : 30). Comme on peut l’observer dans la figure 6, c’est la compétence sociolinguistique qui a le plus évolué dans les modèles suivants.

Pour Canale (1983), qui a légèrement modifié le modèle de Canale et Swain, la connaissance des règles socioculturelles appartient à la compétence sociolinguistique, tandis que la connaissance des règles de discours forme la compétence discursive (Canale, 1983 : 7‒10).

Le modèle de Bachman (1990 : 87) est le premier à mentionner la compétence pragmatique de façon explicite. Dans ce modèle, la compétence langagière est divisée en compétences organisationnelle et pragmatique. La compétence organisationnelle consiste dans la compétence grammaticale, plus précisément la maîtrise du lexique, de la morphologie, de la syntaxe et de la phonologie, et dans la compétence textuelle, qui implique la cohésion et l’organisation rhétorique du langage oral et écrit (Bachman, 1990 : 87‒88).

Quant à la compétence pragmatique, elle comprend les compétences illocutoire et sociolinguistique. La première renvoie à la capacité d’exprimer différentes fonctions langagières et de produire et de comprendre la force illocutoire des énoncés, tandis que la seconde est nécessaire pour utiliser la langue de manière appropriée dans le contexte socioculturel (Bachman, 1990 : 90‒98). Bachman (1990 : 86) souligne que lorsque les langues sont utilisées dans des situations de communication, tous les composants de la compétence langagière interagissent entre eux et entre le contexte dans lequel ils sont utilisés. Le modèle de Bachman (1990) a été adopté plus tard également par Bachman et Palmer (1996)22.

Selon le modèle de Celce-Murcia et al. (1995), la compétence communicative se compose des compétences discursive, linguistique, actionnelle, socioculturelle et stratégique. Les compétences illocutoire et sociolinguistique de Bachman (1990) correspondent plus ou moins aux compétences actionnelle et socioculturelle de Celce-Murcia et al. (1995) : la compétence actionnelle comprend la capacité de transmettre et de comprendre des intentions communicatives, tandis que la compétence

22 La compétence fonctionnelle de Bachman et Palmer (1996 : 68‒70) correspond à la compétence illocutoire de Bachman (1990).

socioculturelle renvoie à la capacité d’exprimer des messages de manière appropriée dans des contextes différents. Celce-Murcia et al. (1995 : 19) soulignent que ces deux compétences sont séparées : par exemple, si un locuteur L2 utilise une stratégie de requête compréhensible mais inappropriée pour la situation sociale en question, ses connaissances socioculturelles peuvent être décrites comme insuffisantes. Si, cependant, sa requête est appropriée dans le contexte mais n’a pas la valeur illocutoire voulue, ou qu’elle comprend un acte de langage indirect de manière littérale, le problème se trouve dans sa compétence actionnelle. Cette division ressemble à la distinction entre les compétences pragmalinquistique et sociopragmatique que nous développerons dans la section suivante.

Bien qu’absent dans la figure 6, nous tenons à mentionner encore un modèle plus récent, bien répandu dans l’enseignement des langues en Europe, à savoir le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECRL, Conseil de l’Europe, 2001). Le CECRL est notamment utilisé dans l’enseignement et l’évaluation des L2, et il présente la compétence langagière comme holistique, actionnelle et communicative : les usagers et les apprenants de langues sont perçus comme « des acteurs sociaux ayant à accomplir des tâches (qui ne sont pas seulement langagières) dans des circonstances et un environnement donnés, à l’intérieur d’un domaine d’action particulier » (Conseil de l’Europe, 2001 : 15). Les apprenants disposent des compétences générales individuelles, qui « ne sont pas propres à la langue mais sont celles auxquelles on fait appel pour des activités de toutes sortes, y compris langagières » (ibid.), ainsi que de la compétence à communiquer langagièrement. Celle-ci comprend les composantes linguistique, sociolinguistique et pragmatique, les actes de langage faisant partie de cette dernière composante. On peut donc constater que les compétences socioculturelles et fonctionnelles sont essentielles dans le CECRL, mais que sa perspective de la compétence langagière est plus large que dans les modèles précédents.

Pour synthétiser, la compétence pragmatique est un composant essentiel dans les modèles de compétence langagière et communicative modernes23. Ces modèles soulignent l’importance de la capacité de produire et de comprendre des actes de langage de manière appropriée dans différentes situations de communication, ce qui exige une connaissance de la variété des formulations linguistiques possibles, mais également une sensibilité envers des variables sociales qui jouent un rôle important dans le choix de la formulation. Nous soulignons toutefois que la compétence pragmatique ne se limite pas aux actes

23 Il est toutefois à noter que les modèles discutés (excepté le CECRL) présentent la compétence langagière comme des répertoires propres à chaque langue, négligeant donc la compétence plurilingue et le fait que la compétence langagière d’un individu se compose de « morceaux » de langues (v. p. ex.

Moore et Gajo, 2009 ; Blommaert, 2010). Nous ne pouvons pas développer ces idées dans le cadre du présent travail, mais tenons à mentionner le caractère dynamique dans le répertoire langagier d’un

de langage, mais comprend également l’interaction conversationnelle, la deixis, la politesse et l’impolitesse, et les aspects sociolinguistiques de l’usage de langue parmi d’autres (Félix-Brasdefer, 2016/2017 : 419). En outre, ces phénomènes ont été étudiés ces derniers temps d’un point de vue plus interactionnel qu’avant, notamment par l’emploi des méthodes de l’analyse conversationnelle (p. ex. Skogmyr et al., 2017). Ce n’est toutefois pas le cas dans le présent travail qui cherche à établir la base pour les formulations de requête en français L2 par rapport à celles en français L1 et en finnois L1.

Nous rappelons également que la production des requêtes et d’autres actes de langage exige également une compétence linguistique suffisante : sans une bonne connaissance du lexique et de la morphosyntaxe en L2, les formulations disponibles au locuteur L2 restent limitées, ce qui fait qu’il n’a pas la possibilité de varier les choix linguistiques selon le contexte social. Dans la sous-section suivante, nous approfondirons la discussion sur la relation entre les connaissances linguistiques et sociales essentielles pour la compétence pragmatique.

4.2.2 COMPÉTENCE PRAGMALINGUISTIQUE ET