• Ei tuloksia

5. Interprétation prosodique des signes de ponctuation

5.2. Principaux types d’interprétations atypiques du point et

Bien que l’interprétation prosodique du point et de la virgule semble être soumise dans une large mesure aux « prototypes oraux » de ces signes de ponctuation (cf.

5.1), il est à noter qu’une proportion non négligeable de leurs occurrences est malgré tout interprétée d’une autre manière. En effet, 20,8 % des points et 36,4 % des virgules sont interprétés d’une manière « atypique ». Nos résultats suggèrent que ces interprétations « atypiques » se répartissent, dans l’ensemble, sur cinq catégories (ou types d’interprétation) principales, qui seront brièvement présentées ci-dessous dans l’ordre suivant : interprétation mélodique inverse (par rapport au prototype) associée à une pause (5.2.1), absence de pause (5.2.2), interprétation mélodique inverse non associée à une pause (5.2.3), absence de variations mélodiques (5.2.4) et absence totale de variations prosodiques (mélodiques et rythmiques) (5.2.5).

5.2.1. Interprétation mélodique inverse associée à une pause

Le premier type d’interprétations « atypiques » consiste en un mouvement mélodique inverse par rapport au mouvement désigné par le « prototype oral » de chaque signe de ponctuation. Dans le cas du point, il s’agit donc d’une montée mélodique associée à une pause (5.2.1.1) et dans le cas de la virgule, d’une chute mélodique associée à une pause (5.2.1.2).

5.2.1.1. Interprétation du point avec une montée mélodique associée à une pause L’inversion du mouvement mélodique constitue le type d’interprétation « atypique » le plus fréquent dans le cas du point : en effet, 13,8 % des points (164 occurrences) sont – au lieu d’une chute – marqués avec une montée mélodique suivie d’une pause.

Ce type d’interprétation peut être mis en parallèle avec l’interprétation

« prototypique » de la virgule aussi bien sur le plan acoustique que sur le plan des fonctions textuelles. Effectivement, lorsqu’un point est interprété prosodiquement de cette manière, sa valeur conclusive semble s’affaiblir et approcher de la valeur continuative caractéristique de la virgule.

L’extrait (15) présente un contexte (cf. VII ; exemple 2) dans lequel une phrase terminée par un point est interprétée à la manière typique de la virgule, c’est-à-dire avec une montée mélodique suivie d’une pause.

Extrait (15) (Corpus n˚ 3) :

01 : Le chien rampe de frayeur et se laisse traîner. / P 02 : A ce moment, / P c’est au vieux de le tirer. \ P

(Camus 1942 [1998] : 46)

La figure (20) ci-dessous illustre la forme acoustique de la première phrase (ligne 01) de l’extrait (15) :

Figure (20) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une phrase terminée par un point.

Interprétation atypique : montée mélodique + pause. (Corpus n˚ 3)

Dans l’occurrence présentée dans la figure (20), la dernière syllabe de la phrase (/ne/) porte une montée mélodique de 4,1 dt par rapport à la syllabe précédente (t{e/). Cette montée facilement perceptible est suivie d’une pause de 0,5 sec. L’interprétation prosodique de la deuxième phrase (ligne 02) de l’extrait (15), correspond, quant à elle, au « prototype oral » du point : dans ce cas, la mélodie baisse de 11,7 dt pendant le dernier groupe rythmique (‘de le tirer’) par rapport à la dernière syllabe (/vjø/) du groupe précédent, et la fin de la phrase est également marquée par une pause (0,8 sec)180.

Lorsqu’un point est marqué avec une montée mélodique au lieu d’une chute – comme c’est le cas dans l’extrait (15) ci-dessus (ligne 01) – le mouvement mélodique constitue un indice de la continuité structurelle et situationnelle.

Autrement dit, l’indice continuatif constitué par la montée mélodique sert dans ce type de cas de moyen narratif pour mettre en valeur le lien étroit entre l’unité précédente et l’unité suivante. Toutes les occurrences de ce type apparaissent naturellement à l’intérieur d’un paragraphe textuel.

D’une manière générale, aussi bien dans le cas du point que dans celui de la virgule, la mélodie montante sert de lien entre deux ou plusieurs propositions décrivant des actes ou des circonstances étroitement liés sur les plans temporel et spatial. La différence entre le point et la virgule dans ce sens est que l’autonomie situationnelle véhiculée par un point semble être plus importante, malgré

180 Faute de place, la courbe mélodique illustrant cette deuxième phrase n’est pas donnée ici. (Cf.

cependant VII ; figure 4).

l’interprétation prosodique similaire. Le plus souvent, les virgules marquées avec une montée mélodique distinguent des circonstances ou des actes simultanés ou presque simultanés (cf. extrait 14), tandis que ceux distingués par des points sont typiquement consécutifs : les propositions distinguées par des « virgules montantes » réfèrent typiquement à la même situation, tandis que les phrases concernées par des « points montants » constituent plutôt des continuums de situations intimement liées. Dans les deux cas, la montée mélodique implique une activité ; autrement dit, la montée mélodique constitue un indice prosodique servant à mettre en place un cadre interprétatif pour une situation active.

5.2.1.2. Interprétation de la virgule avec une chute mélodique associée à une pause L’inversion du mouvement mélodique est nettement moins fréquente dans l’interprétation des virgules que dans celle des points (cf. 5.2.1.1) : en effet, seulement 5,9 % des virgules (59 occurrences) sont marquées avec une chute mélodique associée à une pause. Dans ces cas – où l’interprétation prosodique de la virgule ressemble donc au « prototype oral » du point (cf. 5.1.1) – ce signe de ponctuation perd la valeur continuative qui lui est caractéristique. La différence entre le point et la virgule dans cette perspective est que l’effet conclusif de la virgule est plus faible que celui véhiculé par le point. Typiquement, les virgules interprétées de cette manière apparaissent par exemple dans des descriptions du milieu environnant ou dans d’autres contextes impliquant une sorte de « stagnation » de l’action.

L’extrait (16) ci-dessous (cf. VII ; exemple 7) illustre un contexte caractéristique dans lequel deux virgules consécutives sont interprétées avec des chutes mélodiques associées à des pauses.

Extrait (16)(Corpus n˚ 3) :

01 : Ce qui me frappait dans leurs visages, \ P 02 : c’est que je ne voyais pas leurs yeux, \ P 03 : mais seulement une lueur sans éclat

04 : au milieu d’un nid de rides. \ P

(Camus 1942 [1998] : 19)

La figure (21) représente la forme acoustique de la deuxième proposition (ligne 02) de l’extrait (16)181 :

181 Faute da place, la phrase entière n’est pas incluse dans la figure.

Figure (21) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une proposition terminée par une virgule. Interprétation atypique : chute mélodique + pause. (Corpus n˚ 3)

Dans l’occurrence présentée dans la figure (21), la F0 baisse de 7,3 dt entre le mot

‘pas’, qui constitue la dernière syllabe accentuée de la proposition, et le mot ‘yeux’, qui précède la virgule. La durée de la pause produite après cette chute est de 0,5 sec.

Quant à la première virgule apparaissant dans l’extrait (16), la mélodie descend progressivement de 14,6 dt entre la dernière syllabe (/pE/) du mot ‘frappait’ et la dernière syllabe (/zaZ/) du mot ‘visages’ (cf. VII ; figure 11). La chute mélodique est, ici aussi, suivie d’une pause de 0,5 sec.

Malgré la prosodie conclusive portée par les deux virgules apparaissant dans l’extrait (16), l’indication de la continuité y est assurée par des moyens syntaxiques : la position de la proposition relative en tête de la phrase (ligne 01) ainsi que la présence de la conjonction ‘mais’ (ligne 03) au début de la dernière proposition permettent l’interprétation intonative atypique des virgules sans créer d’ambiguïté dans la structure de la phrase. Selon nous, les chutes mélodiques ont une fonction stylistique dans ce type de contexte. D’un côté, elles servent à véhiculer une certaine nuance d’insensibilité. D’un autre côté, en même temps que cette prosodie

« marquant le détachement » souligne l’attitude indifférente du personnage principal (à qui appartiennent les pensées rapportées), les indices prosodiques contribuent aussi à « réduire » la séquence à une simple description du milieu.

5.2.2. Absence de pause

Le corpus étudié comporte un certain nombre de cas dans lesquels les signes de ponctuation sont marqués avec un mouvement mélodique non associé à une pause.

Dans la plupart des cas, le mouvement mélodique est celui défini par les « prototypes oraux » du point et de la virgule (5.2.2.1), mais il arrive aussi que le mouvement mélodique soit inversé par rapport à ces « prototypes » (5.2.2.2).

5.2.2.1. Mouvement mélodique « prototypique » non associé à une pause

Dans l’interprétation des virgules, il est assez fréquent que le signe de ponctuation soit marqué mélodiquement de la manière typique (c’est-à-dire avec une montée), mais que ce mouvement mélodique ne soit pas suivi d’une pause. En effet, dans le corpus étudié, une virgule sur cinq (20,6 % ; 205 occurrences) est interprétée de cette façon. En ce qui concerne les points, ce type d’interprétation est beaucoup moins fréquent : seulement 2,4 % des points (29 occurrences) entraînent une chute mélodique (le mouvement mélodique caractéristique du point) non associée à une pause. Comme ce type de stratégie prosodique est tellement plus fréquent dans le cas de la virgule que dans le cas du point, il sera abordé ici surtout dans la perspective de la virgule.

Le fait que l’absence de pause est beaucoup plus fréquente dans l’interprétation de la virgule que dans celle du point est probablement lié aux différents statuts syntaxiques de ces deux signes de ponctuation. Autrement dit, comme la virgule n’est, en principe, pas employée pour indiquer la conclusion (Catach 1994 [1996] : 64–69 ; Grevisse 1936 [1993] : 156–163 ; Riegel, Pellat &

Rioul 1994 [2004] : 88–90), la pause ne s’associe pas à son « prototype oral » d’une manière aussi intégrante que dans celui du point. Pour cette raison, l’absence de pause est légèrement moins saillante lorsqu’il s’agit d’une virgule que lorsqu’il s’agit d’un point. Malgré tout, dans les deux cas, ce phénomène a pour conséquence un rythme saillant ayant un effet stylistique sur ce qui est lu.

L’extrait (17) ci-dessous (cf. VII ; exemple 8) présente une phrase comportant trois virgules marquées avec des montées mélodiques non associées à des pauses.

Extrait (17)(Corpus n˚ 3)

01 : Mais brusquement, / les Arabes, / à reculons, / 02 : se sont coulés derrière le rocher. / P

(Camus 1942 [1998] : 91)

La forme acoustique du début de l’extrait (17), incluant les interprétations prosodiques des trois virgules qui y apparaissent (ligne 01), est présentée dans la figure (22).

Figure (22) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une partie d’une phrase comportant trois virgules. Interprétation atypique : montée mélodique sans pause. (Corpus n˚ 3)

Les segments distingués par des virgules étant courts dans le cas présenté ci-dessus (cf. figure 22 et extrait 16), les mouvements mélodiques entraînés par les virgules n’y sont pas très larges : à la fin du mot ‘brusquement’ (ligne 01), la F0 monte de 2,7 dt ; à la fin du mot ‘Arabes’ (ligne 01), l’ampleur de la montée est de 4,5 dt ; et à la fin du mot ‘reculons’ (ligne 01), la mélodie monte seulement de 0,5 dt. Comme on peut le voir dans la figure (22), les montées sont produites à l’intérieur d’une chaîne parlée ininterrompue par des pauses.

Typiquement, ce type d’interprétation prosodique de la virgule semble être lié à l’intensification de la situation qui est décrite. Dans l’exemple donné ci-dessus (cf.

extrait 17), le rythme précipité créé par l’absence de pauses met en valeur la rapidité de l’action et la densité de la situation en cours. Dans le cas du point (cf. VII ; exemple 3), les fonctions de l’interprétation sans pause sont similaires : en effet, dans le cas du point, l’absence de pause contribue typiquement à indiquer une continuité situationnelle et à minimiser la distance temporelle entre les actions décrites.

5.2.2.2. Interprétation mélodique inverse non associée à une pause

Un groupe d’interprétations atypiques est constitué par les cas où le mouvement mélodique entraîné par un signe de ponctuation est inversé par rapport à son

« prototype oral », et où en plus, ce mouvement mélodique inversé n’est pas suivi d’une pause. Ce type d’interprétation prosodique est cependant relativement rare : en effet, seulement 3,1 % des points (37 occurrences) et 1,4 % des virgules (14 occurrences) sont marqués de cette manière. En raison de leur rareté, les occurrences de ce type n’ont pas vraiment été envisagées séparément dans VII, mais elles y ont

été étudiées parallèlement avec les cas où la variation mélodique « prototypique » n’est pas associée à une pause (cf. 5.2.2.1).

5.2.3. Absence de variations mélodiques

Comme les signes de ponctuation peuvent être passés sans pause, ils peuvent également être marqués uniquement avec une pause, sans aucune variation mélodique signifiante. Les occurrences de ce type sont cependant rares : seulement 2,6 % des virgules (26 occurrences) et 0,4 % des points (5 occurrences) sont interprétés de cette façon. Les occurrences des points interprétés de cette manière étant tellement peu nombreuses, nous nous centrerons ici sur la virgule.

Bien que parmi les occurrences de la virgule, les cas où ce signe de ponctuation est marqué uniquement avec une pause soient relativement peu fréquents aussi, les contextes d’occurrence provoquant ce type d’interprétation prosodique semblent, malgré tout, avoir quelques traits caractéristiques en commun : en effet, souvent, l’omission de la variation mélodique dans l’interprétation de la virgule semble constituer un moyen narratif pour construire un cadre interprétatif « neutre ».

L’extrait (18) ci-dessous (cf. VII ; exemple 9) illustre ce type de contexte :

Extrait (18)(Corpus n˚ 3)

01 : Je ne vis plus que dans cette pièce, P

02 : entre les chaises de paille un peu creusées, P 03 : l’armoire dont la glace est jaunie, P

04 : la table de toilette et le lit de cuivre. \ P (Camus 1942 [1998] : 36)

La forme acoustique du début de la phrase (ligne 01) de l’extrait (18) est donnée dans la figure (23).

Figure (23) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une partie d’une phrase comportant trois virgules. Interprétation atypique : absence de variations mélodiques. (Corpus n˚ 3)

Comme on peut le voir dans la figure (23), ce type d’interprétation prosodique se caractérise par une courbe mélodique plate, interrompue par une pause. Dans le cas de l’occurrence présentée ci-dessus, il n’y a pas de variations mélodiques signifiantes au moment de la production du mot ‘pièce’ précédant la virgule (ligne 01). En revanche, ce mot est suivi d’une pause facilement perceptible dont la durée est de 0,5 sec. Sur la suite de la phrase, la courbe de F0 reste aussi très plate ; la fin en est cependant clairement marquée par des pauses : la deuxième virgule (ligne 02) est marquée avec une pause de 0,7 sec et la troisième virgule (ligne 03) avec une pause de 0,5 sec.

Dans l’extrait (18), Meursault décrit le mobilier de la pièce où il habite. Les différents meubles évoqués sont, naturellement, distingués par des virgules dans le texte. Le fait de marquer ces virgules prosodiquement uniquement avec des pauses – sans variations mélodiques signifiantes – sert ici, selon nous, à neutraliser l’effet d’énumération qui se créerait facilement si ces virgules étaient interprétées par exemple de la manière « prototypique » (cf. 5.1.2). Autrement dit, la prosodie plate contribue ici à présenter le contenu de la phrase comme une description du cadre circonstanciel – et non comme une simple liste des meubles qui se trouvent dans la pièce.

5.2.4. Absence totale de variations prosodiques

Le dernier type d’interprétations atypiques consiste en des cas où les signes de ponctuation sont complètement ignorés sur le plan prosodique : autrement dit, dans ces cas, la ponctuation n’entraîne aucune variation prosodique signifiante ni

mélodiquement ni rythmiquement. Par conséquent, se met en place une prosodie marquée par sa monotonie saillante. Dans nos travaux précédents, nous avons choisi d’appeler ce phénomène la « prosodie zéro » (cf. VI, 1.3.2.5. et 4.5).

Cette « prosodie zéro » est nettement plus fréquente dans l’interprétation de la virgule que dans celle du point. En effet, seulement 0,9 % des points (11 occurrences) sont complètement ignorés sur le plan prosodique, tandis que le même phénomène concerne 5,9 % des virgules (59 occurrences)182. L’extrait (12) plus haut (cf. 4.5) illustre un contexte typique dans lequel deux virgules sont interprétées sans variations prosodiques signifiantes. L’extrait (19), quant à lui (cf. VII ; exemple 5), présente un cas où deux points consécutifs portent la « prosodie zéro » :

Extrait (19)(Corpus n˚ 3)

01 : Il lui fallait une garde. Vos salaires sont modestes.

02 : Et tout compte fait, \ P elle était plus heureuse ici. \ P (Camus 1942 [1998] : 11)

La figure (24) représente la forme acoustique des deux premières phrases (ligne 01) de l’extrait (19) :

Figure (24) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) de deux phrases terminées par des points. Interprétation atypique : absence totale de variations prosodiques. (Corpus n˚ 3)

182 Le nombre total des occurrences de la « prosodie zéro » (84) indiqué dans 1.3.2.5 et 4.5 inclut aussi les cas où le signe de ponctuation prosodiquement ignoré est un deux points (11), un point d’exclamation (2) ou un tiret (1) (cf. VII : 24).

La figure (24) illustre assez bien ce type d’interprétation prosodique. Sur le plan rythmique, les deux points sont complètement ignorés : autrement dit, les points ne provoquent pas la moindre interruption rythmique dans ces cas. En ce qui concerne la mélodie (F0), la courbe de F0 monte de moins de 0,5 dt à la fin du mot ‘garde’ avant le premier point (ligne 01), et à la fin de la deuxième phrase (ligne 01), la F0 monte de 2,2 dt entre la production des deux dernières syllabes (/mç/ et /dEst/) du mot

‘modestes’. Les montées mélodiques de cet ordre-là (c’est-à-dire de 0,5 à 2,2 dt) sont cependant liées à l’accentuation normale de la fin d’un groupe rythmique en français (Léon 1992 ; Di Cristo 1975, 1998 ; Mertens 1987 ; Rossi 1999 ; etc.) et non pas au marquage prosodique de la ponctuation.

Comme nous l’avons déjà constaté plus haut (cf. 1.3.2.5. et 4.5), la « prosodie zéro » est typiquement liée à l’indication d’une valeur informative faible et d’un engagement personnel faible. Dans l’extrait (19), le phénomène contribue, selon nous, à mettre en valeur le caractère évident et « banal » ou « convenu » de ce qui est dit. Il s’agit d’un passage dans lequel le narrateur rapporte les dires du directeur de l’asile lorsque le personnage principal, Meursault, y arrive pour l’enterrement de sa mère. La « prosodie zéro » sert ici de moyen de contextualisation pour indiquer que ce qui est dit n’est pas censé être étonnant ni nouveau pour l’interlocuteur183, et qu’une discordance d’opinions entre les locuteurs est peu probable.

5.3. Récapitulatif du chapitre 5

Nos résultats suggèrent donc que l’interprétation prosodique du point et de la virgule est dans une large mesure soumise à un certain code : chacun de ces signes de ponctuation semble avoir un « prototype oral » définissant son interprétation prosodique caractéristique (cf. 5.1). Le « prototype » constitue naturellement le cas le plus fréquent, mais il correspond aussi à l’interprétation « neutre », privée de sens implicites et d’effets stylistiques. Dans ces cas, la fonction d’un signe de ponctuation est le plus souvent conforme à son emploi grammatical traditionnel, exprimé à l’oral par certains indices prosodiques. Ces indices semblent être avant tout mélodiques et rythmiques : dans la majorité des cas (79,2 %), un point est marqué par une chute mélodique facilement perceptible, immédiatement suivie d’une pause, tandis que les virgules sont typiquement (63,6 %) interprétées par une montée mélodique suivie d’une pause.

Toutefois, malgré la dominance quantitative de ces « prototypes oraux », un nombre non négligeable de points et de virgules est interprété d’une autre manière.

En effet, 20,8 % des points et 36,4 % des virgules sont interprétés d’une autre manière que celle correspondant à leur « prototype ». Ces interprétations

« atypiques » (cf. 5.2) se répartissent, dans l’ensemble, sur cinq groupes : interprétation mélodique inverse (par rapport au prototype) associée à une pause (cf. 5.2.1), absence de pause (cf. 5.2.2), interprétation mélodique inverse non associée à une pause (cf. 5.2.3), absence de variations mélodiques (cf. 5.2.4) et absence totale de variations prosodiques (mélodiques et rythmiques) (cf. 5.2.5). En ce qui concerne les fréquences de ces différentes interprétations « atypiques », dans le cas du point, le procédé le plus fréquent consiste en l’inversion du mouvement mélodique

183 Le terme ‘interlocuteur’ réfère naturellement ici à Meursault, le personnage principal. De même, les ‘locuteurs’ sont dans ce contexte le personnage principal et le directeur de l’asile.

« prototypique » (cf. 5.2.1), tandis que dans le cas de la « virgule », c’est l’omission de la pause qui est particulièrement caractéristique184.

Nos résultats suggèrent que les interprétations prosodiques « atypiques » des signes de ponctuations relèvent le plus souvent de différents procédés narratifs servant à contextualiser le contenu de ce qui est lu dans un cadre interprétatif stylisé.

Les effets stylistiques de ces procédés sont divers. Il peut s’agir notamment de la mise en place d’implications 1) par rapport aux relations avec les unités syntaxiques précédentes et/ou suivantes (par exemple, l’affaiblissement de la valeur conclusive d’un point ou de la valeur continuative d’une virgule) ; 2) par rapport aux relations situationnelles (par exemple, l’indication de la distance ou de la proximité temporelle et/ou spatiale entre les actes décrits) ; 3) par rapport à l’indication de la valeur informative d’un segment (par exemple, la contextualisation comme description du milieu ≠ la contextualisation comme description d’un acte essentiel, etc.), ou 4) par rapport à l’attitude générale, au caractère et au niveau d’engagement subjectif du personnage dont les pensées sont rapportées. Néanmoins, les fonctions stylistiques des interprétations « atypiques » sont fortement liées aux traits spécifiques de chaque contexte d’occurrence individuel. Par conséquent, les résultats présentés ici ne cherchent pas à mettre en place des catégories absolues, mais plutôt à décrire des tendances générales.

184 Pour une présentation détaillée des fréquences des différentes interprétations « atypiques » cf. VII : 24.

cinq grands philosophes français du XXe siècle. Dans ce but, nous avons présenté sept phénomènes prosodiques du français. Ces « figures marquées » ou « schémas marqués » ont encore été divisés en deux grandes catégories : 1) les phénomènes principaux (cf. I–IV ; 1.3.1, 2 et 3), et 2) d’autres phénomènes prosodiques de la contextualisation (cf. V–VII ; 1.3.2 et 4).

La catégorie des phénomènes principaux inclut deux « figures marquées » : la figure dite HB (cf. I et II ; 1.3.1.1 et 2) et la figure dite ondulatoire (cf. III et IV ; 1.3.1.2 et 3). Ces deux phénomènes apparaissent dans l’ensemble du corpus étudié ; la fréquence moyenne de la figure HB y est de 1,0 occurrence par minute, et celle de

La catégorie des phénomènes principaux inclut deux « figures marquées » : la figure dite HB (cf. I et II ; 1.3.1.1 et 2) et la figure dite ondulatoire (cf. III et IV ; 1.3.1.2 et 3). Ces deux phénomènes apparaissent dans l’ensemble du corpus étudié ; la fréquence moyenne de la figure HB y est de 1,0 occurrence par minute, et celle de