• Ei tuloksia

3. Figure ondulatoire

3.1. Présentation générale de la figure ondulatoire

Pour commencer cette présentation générale de la figure dite ondulatoire (3.1.1), nous décrirons brièvement la forme acoustique par laquelle elle se caractérise.

Ensuite (3.1.2), nous nous centrerons sur les fonctions discursives de cette figure.

Avant la présentation de ses nombres d’occurrences et de ses chiffres de fréquence dans les différentes parties du corpus (3.1.4), la figure ondulatoire sera comparée avec d’autres phénomènes prosodiques du français (3.1.3).

3.1.1. Forme acoustique caractéristique de la figure ondulatoire

La figure ondulatoire consiste typiquement en des variations de plusieurs paramètres prosodiques. Comme dans le cas de la figure HB (cf. 2, I et II), ici aussi, les montées de la F0 constituent des composantes essentielles du phénomène. A la différence de la figure HB, il ne s’agit cependant pas d’une seule montée mélodique, mais de plusieurs montées successives, produites d’une manière rythmique. Typiquement, le nombre des montées de F0 se situe entre trois et sept. Les montées sont moins soudaines que dans le cas de la figure HB : en effet, contrairement à l’autre phénomène principal de notre thèse, les montées produites lors de la figure ondulatoire sont caractérisées par une stabilité mélodique à l’intérieur des syllabes.

Autrement dit, la hausse du niveau de F0 est toujours portée par une syllabe complète, ce qui est tout à fait typique des contours marqués et des clichés intonatifs en général (Ogden, Hakulinen & Tainio 2004 ; Bolinger 1985 ; Fónagy et al. 1983 ; Di Cristo 1998).

Le plus souvent (mais pas toujours), les montées sont portées par les dernières syllabes complètes des groupes rythmiques116. Les ampleurs et les hauteurs des montées sont relativement symétriques au niveau local (c’est-à-dire, dans chaque contexte d’occurrence individuel), mais cela n’est pas nécessairement toujours le cas, et pratiquement toutes les occurrences de la figure comportent au moins un mouvement mélodique dont l’ampleur et/ou la hauteur est irrégulière par rapport aux autres. En ce qui concerne les ampleurs des montées, celles-ci varient selon le

115 Cette présentation est basée sur III et IV ainsi que sur les communications orales que nous avons données à l’occasion des réunions scientifiques suivantes : ‘Le français parlé des médias 2 : Les mises en scène du discours médiatique’ (Québec, Canada, du 21 au 23 juin 2007), ‘VI Valtakunnalliset keskusteluntutkimuksen päivät’ (Tampere, Finlande, du 19 au 20 janvier 2007), ‘ICCA06 – International Conference on Conversation Analysis’ (Helsinki, Finlande, du 10 au 14 mai 2006),

‘Nuorten tutkijain ilta’ de la Société Néophilologique de Helsinki (Helsinki, le 30 mars 2006),

‘V Valtakunnalliset keskusteluntutkimuksen päivät’ (Oulu, Finlande, du 18 au 20 janvier 2006) et

‘IDP05 – Interface Discourse Prosody 2005’ (Aix-en-Provence, France, du 8 au 9 septembre 2005).

116 Par ‘groupe rythmique’ nous entendons une unité terminée par une syllabe accentuée (Léon 1992 : 26). Souvent, les limites des groupes rythmiques coïncident avec celles des syntagmes grammaticaux (ibid.).

contexte : leurs ampleurs peuvent être seulement de l’ordre de 5 dt (cf. figure 9 plus bas et III ; figures 1, 2, 3 et 4 et IV ; figures 4 et 6) ou bien de l’ordre de 10 dt (cf.

figure 8 plus bas et IV ; figures 3 et 5) ou même de l’ordre de 15 dt (cf. III ; figure 1117).

En effet, le trait apparaissant le plus systématiquement dans les occurrences de cette figure semble être le nombre régulier des syllabes produites entre les montées mélodiques par lesquelles elle se caractérise : la répétition des montées mélodiques saillantes à intervalles réguliers crée un rythme marqué évoquant une certaine ondulation, qui constitue la caractéristique principale du phénomène en question118. En plus, le débit constitue un paramètre pertinent dans le cas de la figure ondulatoire : souvent (mais pas toujours), les montées mélodiques s’associent à une accélération du débit qui est typiquement de l’ordre de + 3 syllabes par seconde119 (cf. III ; exemple 1 et IV ; exemple 3), mais qui peut être même de l’ordre de + 5 s / sec (cf. IV ; exemple 2), par rapport à l’entourage. Malgré tout, l’accélération du débit ne constitue pas un trait nécessaire (cf. III ; exemples 2, 3, et 4 et IV ; exemple 4). Comme ce type de figure marquée est fortement lié à des facteurs rythmiques, elle ressemble aussi dans une certaine mesure aux scansions rythmiques (Simon &

Grobet 2005).

Dans beaucoup de cas, le niveau d’intensité change légèrement par rapport à l’entourage pendant la production de la figure : l’intensité peut soit baisser soit augmenter. Néanmoins, le plus souvent, le changement est seulement de l’ordre de

± 3 dB (cf. néanmoins III ; exemple 1). Ainsi l’intensité ne semble-t-elle pas jouer un rôle très essentiel dans le cas de ce phénomène.

La figure (9) ci-dessous illustre la forme acoustique d’une occurrence typique de la figure ondulatoire (cf. IV ; figure 3). L’occurrence en question a été relevée dans la discussion radiophonique entre Michel Foucault et Henri Baruk (cf. tableau 1, n˚ 2).

117 La figure (1) dans III comprend deux occurrences individuelles dont la première se caractérise par des mouvements d’ampleurs modestes et la deuxième par des mouvements très larges.

118 Pour une description des caractéristiques rythmiques du français cf. Pasdeloup (1991) et Barbosa (1994). De même, le rythme de la parole a été envisagé d’un point de vue interactionnel par Auer, Couper-Kuhlen et Müller (1999), Couper-Kuhlen (1993) et Auer (1990).

119 ’Syllabes par seconde’ sera abrégé en ’s / sec’ par la suite.

Figure (9) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une occurrence de la figure ondulatoire. (Corpus n˚ 2)

Cette occurrence consiste en une chaîne de quatre montées mélodiques, portées par les dernières syllabes des groupes rythmiques. Les ampleurs de ces mouvements mélodiques varient entre 11,1 dt et 14,2 dt, et leur moyenne se situe à 12,2 dt. Les trois premières montées sont assez symétriques : la variation entre leurs ampleurs et leurs hauteurs est seulement de ± 0,7 dt. La dernière montée, quant à elle, est d’environ 3 dt plus grande et plus haute que les montées précédentes. Les intervalles entre les montées sont réguliers ; chaque intervalle consiste en quatre syllabes et constitue un segment dont la durée est de 0,3 à 0,4 sec. L’effet marqué créé par les montées successives régulières est mis en valeur par une accélération du débit très remarquable (+ 5,2 s / sec). Pendant la production de la figure, le niveau d’intensité est légèrement rabaissé par rapport à l’entourage (≈ 3 dB). La durée totale du segment marqué est de 2,4 sec120.

La figure (10) ci-dessous illustre une autre occurrence typique de la figure ondulatoire (cf. III ; figure 1 et IV ; figure 4). Cette occurrence a été prise dans l’interview radiophonique de Jean-Paul Sartre (cf. tableau 1, n˚ 1).

120 Cette valeur de la durée comprend également un cinquième groupe rythmique (/que vous aimez/) qui fait partie du segment marqué mais qui n’a pas pu être inclus dans la figure (9). Ce cinquième groupe ne se termine cependant pas par une montée de F0 mais par une chute, ce qui est tout à fait typique lorsque le phénomène apparaît à la fin d’une unité de construction « complexe » (cf. I). Le phénomène n’a cependant pas été abordé de ce point de vue dans III et IV (c’est-à-dire, par rapport à la distinction entre les unités de construction « simple » et « complexe »).

Figure (10) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une occurrence de la figure ondulatoire. (Corpus n˚ 1)

La figure ondulatoire consiste, ici aussi, en quatre montées mélodiques successives.

A l’exception du dernier mouvement, qui est porté par la pénultième syllabe du groupe rythmique, les montées sont portées par les dernières syllabes des groupes rythmiques. Les ampleurs des montées sont nettement plus modestes dans ce cas que dans le cas illustré plus haut dans la figure (9) : en effet, les ampleurs des mouvements apparaissant ici varient entre 4,5 dt et 6,3 dt, et leur moyenne est de 5,3 dt. La différence entre l’ampleur de la montée la plus petite et la plus grande étant de ± 1,8 dt121, il s’agit ici de mouvements relativement symétriques par rapport à leurs ampleurs. Quant aux hauteurs des montées, la différence entre la plus basse et la plus haute est assez importante (± 4,4 dt) ; seulement la première et la troisième montées sont relativement symétriques par rapport à leurs hauteurs (± 0,5 dt). Les intervalles entre les montées sont cependant très réguliers dans ce cas aussi : chaque intervalle consiste en deux syllabes qui constituent un segment d’une durée de 0,3 à 0,4 sec. De même, pendant la production de la figure, le débit est accéléré (+ 2,7 s / sec) et le niveau d’intensité est légèrement augmenté (+ 2,8 dB) par rapport à l’entourage. La durée du segment marqué est de 1,8 sec.

La figure (11) illustre une occurrence (cf. IV ; figure 5) qui a été prise, elle aussi, dans l’interview radiophonique de Jean-Paul Sartre (cf. tableau 1, n˚ 1). En fait, cette occurrence et celle illustrée plus haut dans la figure (10) sont très rapprochées dans le temps (cf. III ; figure 1).

121 Il est cependant à noter qu’eu égard au fait que les ampleurs de ces montées sont relativement modestes, une différence de cet ordre n’est pas tout à fait insignifiante.

Figure (11) : Forme acoustique (signal et courbe de F0) d’une occurrence de la figure ondulatoire. (Corpus n˚ 1)

La figure marquée consiste ici en trois montées mélodiques successives, apparaissant à la fin des groupes rythmiques. Les montées sont cependant produites ici plus progressivement que dans les deux cas précédents : en effet, les fonds des mouvements ne sont pas portés par les pénultièmes syllabes des groupes rythmiques mais plutôt par les deux premières syllabes de ces groupes. Les ampleurs des montées varient entre 9,1 dt et 12,8 dt, leur moyenne étant de 10,9 dt. La différence entre la montée la plus petite et la montée la plus grande est de ± 3,7 dt, ce qui constitue évidemment une valeur assez importante (l’effet de cette différence est cependant en partie neutralisé par les longues durées de ces montées). En revanche, en ce qui concerne les hauteurs de ces montées, la variation entre elles est seulement de ± 0,6 dt. Les intervalles entre les montées mélodiques sont très réguliers : dans les deux cas, l’intervalle consiste en quatre syllabes et sa durée est de 0,6 sec. En plus, le débit est, ici aussi, nettement accéléré (+ 3,2 s / sec), et le niveau d’intensité est légèrement augmenté (+ 3,3 dB) par rapport à l’entourage.

3.1.2. Fonctions discursives typiques de la figure ondulatoire

En ce qui concerne les fonctions discursives caractéristiques de la figure ondulatoire, celles-ci se répartissent typiquement sur les plans épistémique, sémantique, structurel et coénonciatif. En effet, le phénomène apparaît typiquement dans des contextes où il s’agit de (d’)

1) quelque chose qui a déjà été mentionné antérieurement, 2) une référence à un fait généralement reconnu (réel ou moral)

3) la description d’une routine

4) la description d’un cadre circonstanciel

5) quelque chose qui est mentionné/énuméré uniquement à titre d’exemple

Le trait commun à toutes ces caractéristiques contextuelles mentionnées (1–5), c’est que dans tous ces cas, il s’agit typiquement de quelque chose de peu informatif sur le plan épistémique. Autrement dit, le phénomène semble contribuer à contextualiser ce qui est dit comme quelque chose qui est déjà censé être connu par l’interlocuteur ou dont le poids informatif est pour une autre raison peu important. Par conséquent, en diminuant le poids informatif de ce qui est dit, le phénomène sert également à réduire le poids sémantique de ce qui est dit dans le segment marqué.

Sur le plan structurel, la figure ondulatoire apparaît souvent dans des parenthèses, dans des énumérations et dans d’autres unités structurelles qui s’intercalent à l’intérieur d’un ensemble structurel plus grand. Ainsi, en marquant le segment concerné prosodiquement par rapport à son entourage, le phénomène sert à désambiguïser le contexte structurel où il apparaît. Sur un plan structurel plus large, ce type de figure prosodique peut aussi contribuer à la cohérence argumentative du discours ; il peut, notamment, mettre en valeur la concordance du contenu du segment marqué avec ce qui a été dit antérieurement (cf. extrait 4) ou avec un autre objet de référence évoqué dans le discours (un fait généralement reconnu, etc.). En ce qui concerne le niveau coénonciatif du discours, le phénomène semble typiquement être lié à l’anticipation d’une position concordante de l’interlocuteur par rapport à ce qui est dit dans le segment marqué122.

L’extrait (4) ci-dessous illustre un contexte d’occurrence typique de la figure ondulatoire (cf. IV ; exemple 2). L’extrait a été pris dans la discussion radiophonique entre Michel Foucault et Henri Baruk (cf. tableau 1, n˚ 2). Le segment marqué (lignes 04–05) est également présenté plus haut dans la figure (9).

Extrait (4) (Corpus n˚ 2) :

Dans cet extrait, les fonctions de la figure ondulatoire se répartissent sur les niveaux épistémique, sémantique, coénonciatif et structurel, ce qui est tout à fait typique de ce phénomène (cf. plus haut). La figure est portée ici par un segment dont le contenu réfère à quelque chose qui a déjà été mentionné antérieurement dans le même tour ;

122 Concrètement, cette anticipation de la concordance des positions peut se manifester notamment par l’occurrence de certains éléments lexicaux (adverbes, particules, etc.) dans le segment marqué ou dans son entourage immédiat (à l’intérieur du même TCU). De même, sur le plan interactionnel, cette concordance des positions se manifeste souvent par le manque de réactions discordantes de l’interlocuteur par rapport à ce qui est dit. Les natures épistémique (déjà connu) et sémantique (valeur diminuée) du segment marqué constituent aussi des caractéristiques discursives parallèles à cette fonction coénonciative (pour une description détaillée des fonctions coénonciatives à variations mélodiques, cf. Morel & Danon-Boileau 1998). Il ne s’agit donc pas, ici non plus, d’analyses mentalistes cherchant à décrire les états d’âme des locuteurs, mais d’analyses linguistiques portant sur des éléments discursifs de niveaux différents (cf. 1.4.2).

autrement dit, il a déjà été mentionné plus tôt dans le même tour que le père de la jeune fille ayant commis l’acte fou dont il s’agit lui avait refusé l’autorisation de se marier avec l’homme qu’elle aimait. Sur le plan épistémique, le fait de marquer ce segment prosodiquement contribue à le présenter comme quelque chose qui est censé être connu par l’interlocuteur et qui est, de ce fait, censé ne rien lui apporter de nouveau sur le plan informatif. Par conséquent, le poids sémantique du contenu de ce segment est ainsi diminué.

En plus, sur le plan structurel (large), la figure ondulatoire sert à mettre en valeur la concordance de ce qui est dit dans le segment marqué par rapport aux énoncés précédents du même locuteur ; le phénomène contribue ainsi à la cohérence argumentative du discours. Sur le plan coénonciatif, le phénomène semble, ici aussi, véhiculer une nuance de l’anticipation de la concordance des opinions : en effet, comme le contenu du segment marqué a déjà été mentionné plus tôt (et il aurait, de ce fait, pu être remis en question déjà plus tôt) et comme le contenu de l’ensemble du TCU en question (lignes 01–05 : ‘car enfin il est tout de même pas normal […]’) fait référence à un fait moral généralement reconnu (c’est-à-dire, au fait qu’il n’est – en aucun cas – pas normal de manger le cœur de son père), l’anticipation de la concordance des opinions entre les interlocuteurs semble justifiée sur le plan discursif. En plus de l’indice prosodique constitué par l’occurrence de la figure ondulatoire, cette anticipation est également indiquée par des moyens lexicaux et syntaxiques avant la production de la figure marquée, à l’intérieur du même TCU (lignes 01–02 : les expressions ‘car enfin’, ‘tout de même’ et ‘pas normal’ ; la construction syntaxique impersonnelle ‘il est […]’).

L’extrait (5) illustre un contexte présentant deux occurrences très rapprochées (lignes 01–02 et 03–04) de la figure ondulatoire (cf. III ; exemple 1 et IV ; exemple 3). Ces mêmes occurrences sont également présentées plus haut dans les figures (10) et (11). L’extrait en question a été tiré de l’interview de Jean-Paul Sartre (cf. tableau 1, n˚ 1).

D’un côté, le phénomène sert ici à indiquer le statut structurel du segment marqué : autrement dit, il contribue à contextualiser (ou à « recatégoriser »123) le segment marqué comme une description du cadre circonstanciel par rapport à ce qui va suivre.

Du point de vue informatif, il ne s’agit donc pas encore du contenu principal (ou du rhème124) de la séquence narrative en question (lignes 01–06), mais plutôt d’une sorte d’introduction pour ce qui va suivre (Routarinne 2003 ; Morel &

123 Pour une théorie détaillée sur la recatégorisation intonative du rhème en français, cf. Morel &

Danon-Boileau (1998).

124 Le ‘rhème’ n’est pas envisagé ici dans le sens de la dichotomie traditionnelle opposant le ‘thème’

et le ‘rhème’. Pour une description détaillée de la notion de ‘rhème’, cf. Morel & Danon-Boileau (1998 : 45–58).

Boileau 1998). Une prosodie neutre aurait attribué à ce segment un statut plus

« autonome » sur les plans structurel et informatif. Il est cependant à noter que le rôle structurel de ce segment est également indiqué ici par la présence du ligateur ‘alors’

(ligne 02), qui constitue un élément de structuration très typique en français (Morel

& Danon-Boileau 1998 : 94–119). La fonction structurante de cet élément est mise en valeur par la vocalisation « euh » qui s’y associe (Candea 2000 ; Lehtinen 2006b).

D’un autre côté, le phénomène véhicule, ici aussi, la nuance modale qui lui est typique : il contribue à présenter le contenu du segment marqué (‘il fallait bien préparer un garçon à un métier’) comme quelque chose d’évident et diminue de cette manière le poids sémantique du segment. La nature évidente de ce qui est dit est liée ici au niveau épistémique du discours : le locuteur se réfère à l’état des choses social généralement reconnu selon lequel il est normal qu’un enfant soit préparé pour un métier. Cette nuance modale est également indiquée dans ce contexte par des moyens syntaxiques et lexicaux (ligne 01 : la construction syntaxique impersonnelle ‘il fallait’ associée à l’adverbe ‘bien’). En plus, il est intéressant de noter que le segment marqué est suivi du ligateur ‘alors’ (ligne 02), qui – en plus de ses fonctions structurelles (cf. plus haut) – présuppose, selon Morel & Danon-Boileau (1998 : 115), une attitude consensuelle et une convergence des opinions entre les participants de l’échange. Ainsi, cet élément lexical constitue dans ce contexte un indice parallèle au phénomène prosodique aussi bien sur le plan structurel (cf. plus haut) que sur le plan coénonciatif.

Dans le cas de la deuxième occurrence (lignes 03–04), le segment marqué constitue une parenthèse qui est intercalée à l’intérieur de la structure principale de la séquence narrative illustrée dans cet extrait. En effet, sur le plan structurel, la fonction de la figure ondulatoire est très claire dans ce cas : elle sert à marquer le segment parenthétique par rapport à son entourage et de ce fait, à éviter les ambiguïtés dans la structure de la narration. En plus, la structure de la séquence est désambiguïsée par la reprise du syntagme nominal ‘mon grand-père’ (ligne 03) après la parenthèse (ligne 05).

Les fonctions modales de cette occurrence sont tout à fait typiques aussi. Le contenu sémantique du segment marqué (‘j’avais pas de père’ ‘ comme vous le savez’ ‘on vient de le dire’) consiste ici en une référence anaphorique. En effet, comme le locuteur le dit explicitement lui-même (ligne 04 : ‘comme vous le savez’

‘on vient de le dire’), ce qui est dit a déjà été mentionné plus tôt et il est, de ce fait, censé être connu par l’interlocuteur. Par conséquent, la valeur informative du segment marqué est peu importante.

Du point de vue syntaxique, cette occurrence constitue un cas particulièrement intéressant. En effet, les mouvements mélodiques semblent « coopérer » ici d’une manière efficace avec la structure syntaxique de l’énoncé : les montées mélodiques sont portées ici par trois propositions125 interdépendantes, dont la première (ligne 03 :

‘je n’avais pas de père’) constitue la proposition principale pour les deux subordonnées qui la suivent (ligne 04 : ‘comme vous le savez’ et ‘on vient de le dire’). Les subordonnées sont des éléments métadiscursifs qui n’apportent rien

125 Certains chercheurs de la langue parlée s’opposeraient éventuellement à l’emploi de termes grammaticaux traditionnels comme ‘proposition principale’ et ‘subordonnée’ dans un contexte de langage oral. Dans ce cas précis, ces termes nous semblent cependant appropriés, et nous nous permettons d’y recourir pour pouvoir mieux illustrer les relations syntaxiques à l’intérieur du segment marqué.

d’informatif sur le sujet traité, mais qui servent plutôt à expliquer le contenu de la proposition principale du point de vue coénonciatif. La relation de subordination de la deuxième proposition par rapport à la première est aussi indiquée explicitement par la conjonction ‘comme’ (ligne 04), et la position subordonnée de la troisième proposition, quant à elle, est rendue explicite par le pronom ‘le’ (ligne 04), qui se réfère au contenu de la proposition principale. D’un côté, l’enchaînement prosodique de ces trois propositions met en valeur leur interdépendance syntaxique et

d’informatif sur le sujet traité, mais qui servent plutôt à expliquer le contenu de la proposition principale du point de vue coénonciatif. La relation de subordination de la deuxième proposition par rapport à la première est aussi indiquée explicitement par la conjonction ‘comme’ (ligne 04), et la position subordonnée de la troisième proposition, quant à elle, est rendue explicite par le pronom ‘le’ (ligne 04), qui se réfère au contenu de la proposition principale. D’un côté, l’enchaînement prosodique de ces trois propositions met en valeur leur interdépendance syntaxique et