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1. Introduct�on

1.5. Structure de l’étude

Après l’introduction, ce travail se divise en deux parties. Dans la partie I sera examiné l’emploi du système d’adresse français et dans la partie II la traduction des formes d’adresse du français en finnois.

PARTIE I : Système d’adresse du français

Cette première partie du travail sera consacrée au système d’adresse français.

Après un bref aperçu diachronique (2.), j’étudierai les dimensions de la relation interpersonnelle (3.), et ensuite l’usage du système d’adresse français dans un corpus cinématographique (4.).

2. Évolution sémantique des formes d’adresse

Brown et Gilman (1960) décrivent l’évolution sémantique des pronoms d’adresse, tu et vous. Ils emploient les abréviations T et V, dont il est fait usage aussi dans ce travail. L’étude diachronique de Brown et Gilman se base sur différentes sources : pièces de théâtre, documents juridiques et lettres. De même, Coffen (2002, 2004) fait une synthèse de l’histoire culturelle des pronoms d’adresse des langues romanes, y compris le français.

Le latin classique ne connaissait que tu au singulier. Le pluriel vos fut adressé pour la première fois à une personne, à savoir à l’empereur, au IVe siècle de notre ère, mais, d’après Brown et Gilman (1960 : 255), il existe des théories différentes sur les origines de cette pratique. À l’époque, il y avait deux empereurs : l’un à Constantinople, l’autre à Rome. Comme l’administration était la même et que les mots adressés à l’un des deux étaient, en fait, adressés aux deux empereurs, on commença, selon une théorie, à utiliser le pronom d’adresse vos pour s’adresser à tous les deux. L’empereur est pluriel également dans un autre sens : il est le représentant de son peuple, et l’empereur romain, lui aussi, disait parfois nos au lieu d’ego. Il est aussi possible qu’il ne s’agisse que d’une vieille métaphore du pouvoir.

Quelle que soit l’origine de la distinction T/V, selon Brown et Gilman (1960 : 255–257), on se mit petit à petit à dire vos aussi à d’autres personnes au pouvoir, mais en ancien français, il y avait beaucoup de variation T/V. Coffen (2004) mentionne qu’au début du Moyen Âge, le pape Grégoire 1er (590–604) alternait les pronoms d’adresse latins « au gré des circonstances et de ses objectifs » pour exprimer un sentiment passager comme de la colère, du mépris ou de la tendresse.

Selon Coffen, le flottement des pronoms d’adresse s’est raréfié à l’époque des troubadours (l’amour courtois), et l’usage du V s’est répandu, même s’il existait T familier et T méprisant ainsi que T emphatique adressé à « une personne de rang supérieur tenue en grande estime ».

D’après Brown et Gilman, l’usage non réciproque des pronoms d’adresse n’a pas été établi avant le XIIe, voire avant le XIVe siècle. Ils signalent que dans l’Europe

médiévale, les nobles employaient le T à l’égard du peuple, mais recevaient le V ; les maîtres de maison donnaient le T à leurs esclaves ou serviteurs, mais recevaient le V. Le V du respect s’utilisait dans la famille aussi : les parents donnaient le T à leurs enfants, mais en recevaient le V. En quelques siècles, le V devint le symbole de la distinction. Cela se voit, par exemple, dans le drame du XVIIe siècle en France, où l’on peut remarquer que les membres de la noblesse et de la bourgeoisie se vouvoient – même les maris et les femmes, les amants, ainsi que les parents et les enfants – si l’enfant était majeur. On trouve la même remarque chez Coffen (2004), qui affirme que lors du passage du Moyen Âge aux temps modernes le V était le seul pronom d’adresse accepté dans les classes sociales supérieures, et qu’à part quelques exceptions, les « alternances allocutoires dues à des sauts d’humeurs sont écartées de toute interaction verbale ». Mühlhäusler et Harré (1990 : 137) signalent que le système T/V a sans doute servi de modèle pour les autres systèmes d’adresse en Europe, par exemple pour l’anglais (thou – you) et le russe ; en effet, l’Angleterre du XIIe siècle était dominée par « Norman French upper class » et la Russie du XVIIe siècle par l’aristocratie francophone.

D’après Brown et Gilman (1960 : 265), la sémantique du pouvoir non réciproque fut dominante en France jusqu’à la Révolution. Comme le constate Coffen (2004), la période révolutionnaire considérait le T réciproque comme un symbole d’égalité.

L’emploi de V au singulier était condamné par le Comité de sûreté générale. En témoigne un discours donné le 31 octobre 1793 :

Nous distinguons trois personnes pour le singulier et trois pour le pluriel, et, au mépris de cette règle, l’esprit de fanatisme, d’orgueil et de féodalité, nous a fait contracter l’habitude de nous servir de la seconde personne du pluriel lorsque nous parlons à un seul.

(Brown et Gilman 1960 : 265)

Pendant quelque temps, l’adresse a été changée en T réciproque, et Robespierre tutoyait le président de l’Assemblée. Pourquoi la Révolution a-t-elle choisi le pronom d’adresse T au lieu de V ? Selon Brown et Gilman (1960 : 266), la réponse est simple : comme les classes supérieures privilégiaient le V, le seul pronom d’adresse possible pour les sans-culottes était le T (cf. aussi les emplois langagiers dans la Rome antique).

Pourtant l’esprit d’égalité diminua rapidement – d’après Coffen (2004) dès la fin de la Convention en 1795 – et l’usage du T fut abandonné au profit du V et de l’alternance pronominale. Au XXe siècle, l’alternance pronominale disparut définitivement, toujours d’après Coffen, mais le T continua à se répandre pour atteindre l’apogée de sa popularité dans les années 1960, en même temps que la libération des mœurs. Mais le T généralisé était considéré par certains comme

gênant et trop familier, et l’usage du V reprit de l’ampleur. On peut donc conclure que l’emploi des pronoms d’adresse a beaucoup varié suivant l’époque et les changements de la société.

Quant aux titres Monsieur, Madame et Mademoiselle, Grimaud (1989 : 56) constate qu’à l’origine, ils font référence à la famille du roi : « Monsieur est le frère aîné du roi, Mademoiselle la fille aînée de Monsieur et Madame son épouse. » L’emploi de ces titres se répandit ensuite dans les couches élevées de la société. Selon Le Petit Robert, Monsieur était le « titre donné autrefois aux hommes de condition assez élevée (nobles ou bourgeois) », Madame « le titre honorifique donné aux femmes des hautes classes de la société (souveraines, filles de la maison royale, femmes nobles titrées), mariées ou non, et depuis le XVIIe siècle le « titre donné aux bourgeoises », alors que Mademoiselle était l’« appellation des femmes nobles non titrées, mariées ou non » (cf. aussi Dauzat 1945 : 366).

Grimaud (1989) signale que, depuis le dix-neuvième siècle, le titre seul est adressé par les domestiques à leur employeur (« Madame est servie », « Madame est sortie ») ou tout simplement au mari et à son épouse, comme on peut le voir par exemple dans les fables de la Fontaine et les romans de Balzac (à ce sujet, v.

Välikangas 1966). Dauzat (1945 : 366) constate que ces titres autrefois réservés aux personnes « de qualité » se sont généralisés avec la démocratisation de la société, et Madame désigne toute femme mariée, Mademoiselle les jeunes filles de toute condition, et Monsieur l’homme par rapport à la femme. Selon lui, le titre Monsieur tout court est adressé aux égaux comme aux supérieurs. Noailly (2005 : 34–35) cite le Guide des convenances des années 1900 selon lequel un fournisseur (tailleur ou marchand de vins) sera appelé Monsieur, tandis que dans les autres cas (lorsqu’on écrit des lettres), aussi bien Monsieur que cher Monsieur sont possibles.

Dauzat (1945 : 366) signale la distinction que fait le « bon usage » entre l’usage de Monsieur tout court et de Monsieur + patronyme – si ce n’est pas dans une situation où l’on interpelle quelqu’un dans un groupe pour montrer qu’on reconnaît la personne. Selon Dauzat (1945 : 366), Monsieur seul est adressé à des égaux et à des supérieurs, Monsieur + nom de famille à des « gens de condition sociale inférieure ». Grimaud (1989 : 56) cite un extrait de George Dandin de Molière :

– Je vous dirai, Monsieur de Sotenville, que j’ai lieu de...

– Doucement, mon gendre. Apprenez qu’il n’est pas respectueux d’appeler les gens par leur nom, et qu’à ceux qui sont au-dessus de nous il faut dire Monsieur tout court.

– Hé bien ! Monsieur tout court (I,4).

(Grimaud 1989 : 56)

La validité de ces distinctions dans un corpus cinématographique sera étudiée ultérieurement (v. 4.3.2.2. et 4.3.2.3.) ainsi que l’usage des autres formes nominales d’adresse et des pronoms d’adresse. Je me contente de constater ici que ce bref aperçu sur l’évolution des formes d’adresse montre que leur emploi est loin d’avoir été stable, mais qu’il varie selon l’époque et la structure de la société.

3. Dimensions de la relation interpersonnelle

Les dimensions de l’axe horizontal (3.1.) et vertical (3.2.) occupent une position centrale dans les modèles de la relation interpersonnelle. Dans ces sous-chapitres seront discutés la sémantique du pouvoir et de la solidarité de Brown et Gilman (1960), le modèle probablement le plus connu quant à l’emploi des pronoms d’adresse, qui a inspiré et continue à inspirer un grand nombre de linguistes (cf.

Ambrosiani 2000 : 27, Braun 1988 : 14, Head 1978 : 153, Mühlhäusler et Harré 1990 : 134–35), et le modèle de Kerbrat-Orecchioni (1992), qui est plus récent et plus nuancé.

3.1. Distance vs familiarité / intimité / solidarité

Le but à atteindre est un compromis, finement calculé, entre la proximité et l’éloignement.

(Lacroix 1990 : 85 et 167, cité par Kerbrat-Orecchioni 1992 : 273)

La dimension qui désigne de quelque manière la distance entre les interlocuteurs apparaît aussi bien dans le modèle de Brown et Gilman (1960) que dans celui de Kerbrat-Orecchioni (1992), bien que la terminologie varie d’un modèle à l’autre.

Sans justifier leur choix de terminologie, Brown et Gilman parlent de la sémantique de la solidarité (opposée à la sémantique du pouvoir, cf. 3.2.), alors que dans son modèle intitulé relation interpersonnelle, Kerbrat-Orecchioni (1992 : 40) emploie les notions de distance et de familiarité. Elle considère les termes de familiarité, d’intimité et de solidarité comme des variantes d’une même relation, même si l’intimité renvoie plutôt aux aspects cognitifs et affectifs, alors que la solidarité réfère à un rapprochement lié à l’appartenance à un même groupe. Dans ce travail, l’intimité et la solidarité sont considérées comme synonymes dans le sens où les deux font référence à une « petite distance » entre les interlocuteurs, même si le terme intimité me paraît plus neutre – la solidarité pouvant avoir des connotations politiques.

Dans la sémantique de la solidarité de Brown et Gilman (1960 : 257–260), il s’agit d’une relation réciproque (symétrique) entre les interlocuteurs, c’est-à-dire

que les interlocuteurs font usage du même pronom d’adresse, en particulier du T. D’après Brown et Gilman, au fur et à mesure que la solidarité augmente, le T devient de plus en plus probable. Une relation réciproque entre les locuteurs demande, en général, quelque chose en commun : les locuteurs sont des frères ou des sœurs, des collègues, des amis d’école, partagent les mêmes points de vue ou occupent un statut similaire dans la famille / au travail / dans la politique, etc. Il est évident que la solidarité ne se base pas sur n’importe quel caractère similaire, et, par conséquent, par exemple la couleur des yeux ou la taille des chaussures n’est pas importante – s’il n’est pas question d’extrémités – mais les similarités concernent plutôt la pensée ou le comportement ainsi que des facteurs tels que le sexe ou le lieu de naissance. La fréquence des contacts peut, elle aussi, favoriser l’emploi d’un T de solidarité, mais ce n’est pas une règle.

Kerbrat-Orecchioni (1992 : 39–69) parle de la relation horizontale (distance vs familiarité), qui correspond à peu près à la sémantique de la solidarité de Brown et Gilman (cf. ci-dessus). Les pronoms d’adresse sont les procédés par excellence d’affichage de la distance (vous réciproque) ou de la proximité (tu réciproque). En plus des pronoms d’adresse, les formes nominales d’adresse sont, elles aussi, aptes à marquer une relation horizontale. Or ni Brown et Gilman, ni Kerbrat-Orecchioni n’en font une étude détaillée. En plus de quelques commentaires, cette dernière se contente de renvoyer le lecteur aux ouvrages de Perret et d’André-Larochebouvy (thèse de doctorat non publiée).

La distance dépend, d’après Kerbrat-Orecchioni, des facteurs suivants : 1) le degré de connaissance, 2) la nature du lien socio-affectif et 3) la nature de la situation communicative (familière vs formelle). Le mérite du modèle de Kerbrat-Orecchioni est certainement qu’il prend en considération la diversité des facteurs qui peuvent jouer un rôle dans le choix d’une forme d’adresse. Le modèle de Brown et Gilman a été critiqué – à juste titre – par exemple par Braun (1988 : 18–24, 306–7), parce qu’il ne prend pas suffisamment en compte la variation. Pour elle, la variation n’est pas une exception, mais plutôt la règle : l’emploi des formes d’adresse varie, entre autres, selon l’origine régionale, l’âge, le statut social, l’éducation, le sexe, la religion, l’adhérence à un groupe et la personnalité du locuteur. Il est à noter que la variation en soi n’est pas niée par Brown et Gilman.

D’après eux, le choix entre T/V peut être lié à l’idéologie (conservatrice/radicale) et au statut social (l’introduction du V d’abord dans les couches sociales les plus élevées, et sa diffusion vers les couches plus basses). Ce que ces deux chercheurs nient, c’est le style personnel dans le choix d’une forme d’adresse :

As yet we have reported no evidence demonstrating that there exists such a thing as a personal style in pronoun usage in the sense of a tendency to make wide or narrow use

of T. [...] A child learns what to say to each kind of person. What he learns in each case depends on the groups in which he has membership.

(Brown et Gilman 1960 : 272–73)

Il est évident que la conception de Brown et Gilman est trop étroite. Les raisons sont à chercher dans la méthodologie qu’ils appliquent : En plus de conversations avec des locuteurs natifs, l’étude de Brown et Gilman se base essentiellement sur les questionnaires remplis à Boston en 1957–58 par des étudiants étrangers dont 50 étaient francophones. À cause du nombre réduit de femmes qui avaient répondu au questionnaire, l’analyse se limite à un groupe d’hommes. Homogène, ce groupe examiné comprenait des étudiants masculins originaires de familles de classe moyenne supérieure et de villes de plus de 300 000 habitants. À l’heure actuelle, il serait impossible d’imaginer une enquête visant à une théorie généralisée sans informateurs féminins et sans groupes d’âge et groupes sociaux différents.

Selon Kerbrat-Orecchioni, la relation horizontale se caractérise par deux propriétés. La première est la gradualité, qui signifie qu’au moins les locuteurs adultes peuvent choisir un comportement entre deux extrêmes, c’est-à-dire familier et étranger. Cette notion de gradualité de l’axe de la distance me paraît tout à fait justifiée, car le modèle de Brown et Gilman laisse supposer qu’il s’agit de deux pôles extrêmes, ce qui n’est pas le cas (v. 4.2.–4.3.). La seconde propriété est la symétrie : Kerbrat-Orecchioni pense que la dissymétrie est considérée comme désagréable. Sur la deuxième propriété, je suis un peu moins d’accord, car sur la base du corpus cinématographique étudié, cela ne semble pas toujours être le cas (v. chapitre 4.).

D’après Brown et Gilman (1960 : 261), depuis le XIXe siècle, la sémantique de la solidarité domine, c’est-à-dire que la probabilité du T ou du V réciproque augmente.

Nous verrons ultérieurement si c’est le cas dans le corpus cinématographique examiné (v. 4.2.). Brown et Gilman (1960 : 265, 268) expliquent cela par un changement de la société. Ils associent à la sémantique du pouvoir une société relativement stable dans laquelle le pouvoir est attribué par le droit de naissance ; l’Église enseignait que chaque homme avait sa place et qu’il ne devait pas chercher à s’élever au-dessus de sa condition. La sémantique de la solidarité réciproque, en revanche, s’est répandue avec la mobilité sociale, l’idéologie égalitaire et le développement des villes.

Kerbrat-Orecchioni (1992 : 57–69) semble partager l’avis de Brown et Gilman sur le changement de la société, elle trouve que les règles définissant les marqueurs de la distance et de l’intimité sont floues et variables, ce qui fait que les locuteurs ne sont pas forcément d’accord ni sur le type de relation entre eux, ni sur la signification des marqueurs de la relation. Le résultat peut être l’irritation, le malaise ou même

une crise de l’interaction. Notons que Braun (1988 : 30), pour sa part, est d’avis que les différences dans l’emploi des formes d’adresse sont, généralement, assez bien tolérées par les interlocuteurs. Toutefois, la distance interpersonnelle peut être négociée entre les interlocuteurs, et elle évolue généralement vers la réduction de la distance.

Enfin, Kerbrat-Orecchioni (1992 : 69) souligne, à juste titre, que, bien qu’isotopes, les différents « relationèmes horizontaux » ne sont pas à dissocier des

« relationèmes verticaux ». En effet, les deux fonctionnent sur les deux axes (par exemple les pronoms d’adresse marquent aussi bien le pouvoir que la solidarité, v. aussi Brown et Gilman), et « cette polysémie des marqueurs ne simplifie évidemment pas leur description » (Kerbrat-Orecchioni 1992 : 69). La manière dont les formes d’adresse peuvent se situer sur l’axe graduel de la distance sera étudiée ultérieurement (v. 4.2. et 4.3.).

3.2. Pouvoir

Brown et Gilman (1960) appellent sémantique du pouvoir l’emploi pronominal non réciproque (dissymétrique) : un supérieur tutoie son interlocuteur, mais est lui-même vouvoyé. Dans le modèle de Kerbrat-Orecchioni (1992), la relation verticale (soit le rang / l’autorité / la dominance / la domination / le système des places) équivaut, en gros, à la relation du pouvoir définie par Brown et Gilman : un locuteur occupe une position haute (de dominant), et l’autre une position basse (de dominé).

Comme la relation horizontale, l’axe vertical est graduel, mais à la différence de celle-ci, la relation verticale est dissymétrique, comme on vient de le voir.

Selon Brown et Gilman (1960 : 255), en plus des pronoms d’adresse, la non-réciprocité peut être exprimée, par exemple, à l’aide de noms propres, de titres et de gestes. Une relation non réciproque entre les locuteurs est due aux différences dans le statut social, l’âge, le sexe, etc. ; ainsi les relations du genre « plus vieux que », « le parent de », « l’employé de », « plus riche que » et « plus fort que » sont-elles dissymétriques. D’après Kerbrat-Orecchioni (1992 : 74), la relation verticale dépend à la fois de facteurs « externes », et de facteurs « internes ».

D’une part, les facteurs tels que l’âge, le sexe, le statut, les qualités personnelles (la maîtrise ou la compétence en tel ou tel domaine) jouent un rôle important, mais, d’autre part, les comportements langagiers des interlocuteurs peuvent « refléter certaines relations de pouvoir existant a priori entre les interactants, mais aussi les confirmer, les contester, les constituer » (ibid.).

Braun (1988 : 24–29) fait remarquer – à juste titre – que le choix de la forme d’adresse donne des informations non seulement sur l’interlocuteur mais aussi sur le locuteur – un aspect souvent négligé dans les études portant sur l’adresse – ce

qui est en particulier le cas lorsqu’il y a beaucoup de variation dans les formes d’adresse. La non-réciprocité ne signifie pas toujours, selon Braun, une relation de pouvoir, mais peut par exemple refléter des idéologies différentes (v. aussi 4.2.4.).

Kerbrat-Orecchioni (1992 : 101–121) signale que le rapport des places peut être négocié entre les locuteurs – plus facilement dans les sociétés fluides que dans les sociétés rigides et hiérarchiques – ce qui fait que les interlocuteurs peuvent modifier, même inverser les inégalités ou établir de nouvelles inégalités entre eux, mais un jeu de ce type est difficile à déterminer sans contexte. Les marqueurs de la relation fonctionnent de manière complexe dans une société dont l’idéologie est égalitariste.

Brown et Gilman pensent qu’à l’époque de leur étude, la sémantique de la solidarité dominait (cf. 3.1.). Toutefois, d’après eux, même si la sémantique du pouvoir est un phénomène marginal, les locuteurs français sont fort conscients de son existence. Par exemple la plupart des gens interrogés par Brown et Gilman (1960 : 266) trouvent choquant un T adressé à un serveur : bien qu’il y ait une sorte de « droit seigneurial à tutoyer un serveur », l’idéologie de l’homme moderne s’y refuse. Deuxième exemple : depuis la deuxième guerre mondiale, l’armée française applique un règlement selon lequel les officiers doivent vouvoyer les hommes engagés (ibid., 261).

Brown et Gilman (1960 : 266) sont d’avis que la sémantique du pouvoir reste

Brown et Gilman (1960 : 266) sont d’avis que la sémantique du pouvoir reste