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1. Introduct�on

1.4. Choix théoriques

Cette thèse s’inscrit dans le cadre de l’approche interactionnelle et pragmatique (v.

partie I) ainsi que de la traductologie (v. partie II). Commençons par la présentation et la justification de la première approche. Comme le constate Kerbrat-Orecchioni (2001 : 51, 53, 60–63), parler n’est pas seulement agir, mais interagir, ce qui est

particulièrement vrai quant à l’usage des formes d’adresse, qui participent à la construction de la relation interpersonnelle. Ainsi l’approche interactionnelle et pragmatique me paraît-elle particulièrement utile pour leur description. Kerbrat-Orecchioni (à paraître) fait remarquer, à juste titre, que la majorité des études antérieures (cf. 1.1. et 1.3.1.) sur les formes d’adresse relèvent de l’approche sociolinguistique en établissant des corrélations entre les formes et les facteurs externes. L’objectif de cette thèse est différent dans la mesure où elle étudie non seulement la situation dans laquelle est utilisée telle ou telle forme d’adresse ainsi que les facteurs sociolinguistiques contribuant à son choix (valeurs sémantiques, v. 4.2. et 4.3.), mais aussi le rôle que les formes d’adresse ont dans les actes de langage, dans la mécanique de la conversation et dans la construction de la relation interpersonnelle (v. valeurs pragmatiques, v. 4.4.).

Pour ce qui est des valeurs sémantiques, leur emploi est intimement lié à la relation interpersonnelle, comme le fait remarquer aussi Détrie (2006 : 15) :

L’analyse interactionnelle me semble être […] la base de toute approche énonciative des phénomènes de saturation référentielle par l’interpellation. Elle nous apprend en outre à observer ces petits mots d’allocution aussi bien selon le rapport de places construit, que selon les variations sur l’axe horizontal de la distance et de la familiarité, dont ils sont les marqueurs privilégiés.

(Détrie 2006 : 15)

La dimension horizontale de la distance et de l’intimité (ou de la familiarité) (v.

3.1.) et la dimension verticale du pouvoir (v. 3.2.) occupent une place primordiale dans la construction de la relation interpersonnelle, et le modèle de Brown et Gilman (1960) ainsi que celui de Kerbrat-Orecchioni (1992) seront discutés (v. les chapitres mentionnés ci-dessus et 3.3.). En effet, le tu ou le prénom sont généralement considérés comme des formes d’adresse intimes, et le vous ou les titres comme distants ou révélant une relation de pouvoir. Il importe de noter que, dans la relation interpersonnelle, il s’agit en fait d’une pluralité d’éléments où les facteurs sociolinguistiques aussi (comme l’âge ou le degré de connaissance v. 4.2.) influencent les valeurs sémantiques des formes d’adresse.

Quant à la pragmatique, d’après Kerbrat-Orecchioni (2001 : 1–2), elle peut se définir comme l’étude du langage en acte. La notion « langage en acte », peut se référer soit « au langage en situation », qui est actualisé lors d’un acte d’énonciation, soit au « langage envisagé comme moyen d’agir sur le contexte interlocutif » où il permet l’accomplissement des speech acts, à savoir « actes de langage » (ibid.). La seconde définition est particulièrement pertinente ici, car

l’emploi des formes d’adresse est intimement lié aux actes de langage. En effet, elles peuvent non seulement les accompagner, mais les constituer.

La théorie sur les actes de langage a été fondée par Austin (1962) et Searle (1969, 1979) ; en France, elle a été développée sur la base de l’approche interactionniste par Kerbrat-Orecchioni (2001). Cette dernière approche sera adoptée dans ce travail : les actes de langage fonctionnent « en contexte » (et non isolés), et à « l’intérieur d’une séquence d’actes », ils ne s’enchaînent pas au hasard (ibid., 53).

La pragmatique interactionnelle permet de dépasser le domaine sociolinguistique et d’analyser essentiellement l’usage de formes nominales d’adresse sous divers angles autres que sémantiques, ce qui a attiré l’attention de peu de linguistes jusqu’à présent. D’abord, elle sert à analyser les actes de langage – tels que interpellation, salutation, requête, question, expressif, promissif et assertion (cf.

4.4.1.) – que les FNA accompagnent. Deuxièmement, elle s’emploie pour étudier la position des FNA dans les actes de langage, et leur apparition dans les actes initiatif (premier) et réactif (deuxième) de l’échange (ces notions sont proches de paire adjacente dans l’analyse conversationnelle, v. Kerbrat-Orecchioni 2001 : 62 et 4.4.2.). Troisièmement, bien que construits, les dialogues fictifs comprennent aussi les tours de paroles, et les formes d’adresse jouent un rôle important dans la mécanique de la conversation (v. 4.4.3.). Les tours de parole ont été examinés au sein de l’analyse conversationnelle (Sacks, Schegloff et Jefferson 1974), mais celle-ci s’intéresse traditionnellement uniquement à l’oral spontané (naturally occurring interactions, v. par exemple Mondada 2008 : 884).

Il convient de mentionner aussi un autre aspect pragmatique, fréquemment soulevé lorsque les formes d’adresse sont abordées : la politesse (Brown et Levinson 1978, 1987 ; Kerbrat-Orecchioni 1992). Il n’est pas rare d’entendre que le vous est un pronom d’adresse poli (cf. Kerbrat-Orecchioni 1992 : 62), et le lien entre les actes de langage et la politesse est évoqué (cf. Kerbrat-Orecchioni 2001 : 72–78).

La question sur le lien existant entre les formes d’adresse et la politesse mériterait une étude à part entière. Dans le cadre de cette thèse, je me contente seulement d’évoquer brièvement quelques problèmes liés à cette notion dans l’étude des formes d’adresse (v. 4.4.5.). Rappelons encore que la prosodie sera laissée de côté, car son lien avec les formes d’adresse nécessiterait une étude à part.

La deuxième partie de cette thèse est consacrée à l’étude de traductions, à savoir les sous-titres finnois de films français. Dans l’étude de la traduction des formes d’adresse, la théorie de Venuti (1995) sur les stratégies de traduction sourcière et cibliste (v. 5.3.1.) sera appliquée (cf. aussi Tiittula 2006 qui l’emploie dans l’étude des traductions de formes d’adresse allemandes en finnois). Cette approche théorique me semble pertinente, car le français et le finnois ont deux systèmes d’adresse différents qui sont employés de manière différente. Pourtant,

le traducteur est obligé de choisir entre le système de la langue de départ (stratégie sourcière) ou celui de la langue cible (stratégie cibliste).

L’emploi des formes d’adresse ainsi que leur traduction est un phénomène complexe, mais l’approche interactionnelle et pragmatique, combinée à la traductologie, me semble pouvoir rendre compte de la pluralité des facteurs régissant l’usage des valeurs sémantiques et pragmatiques des formes d’adresse, ainsi que des stratégies de traductions adoptées par les traducteurs professionnels.