• Ei tuloksia

2. L E SUBJONCTIF FRANÇAIS ET LA COHESION MODALE

2.2. Le sémantisme du subjonctif français

2.2.2. Cas d’étude : pouvoir au subjonctif

Parmi les verbes qui se trouvent le plus souvent à la forme subjonctive dans l’ensemble des données analysées pour la présente étude, la deuxième place est occupée par le verbe modal pouvoir (v. tableau 2).53

52 Cf. exemple (146), p. 148.

53 Seuls les cas où les verbes être et avoir figurent comme verbes principaux, et non comme auxiliaires d’une construction passive ou d’un temps composé, ont été comptés parmi les occurrences.

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Tableau 2. Les cinq verbes se trouvant le plus fréquemment au subjonctif dans le corpus étudié, avec le nombre d’occurrences au subjonctif et la proportion relative à toutes les occurrences du subjonctif (833)

Verbe

Nombre d’occurrences au

subjonctif

%

1. Être 198 23.8

2. Pouvoir 88 10.6

3. Avoir 74 8.9

4. Faire 57 6.8

5. Aller 20 2.4

Le verbe pouvoir est fréquent dans les trois parties des données : dans le corpus de presse, pouvoir est le verbe qui apparaît le plus souvent au subjonctif (36 occurrences, soit 13.9 % de toutes les occurrences du subjonctif dans ce corpus), dans le corpus de textes des forums de discussion et des blogs, pouvoir occupe la deuxième position (28, soit 10.3 %) et, dans le corpus d’enregistrements parlés, la quatrième position (24, soit 7.9 %).

D’une manière intéressante, pouvoir ne figure pas parmi les verbes qui apparaissent le plus régulièrement au mode subjonctif dans le corpus de Poplack (2001). Les verbes qui s’y construisent le plus souvent avec le subjonctif sont, du plus fréquent au moins fréquent, être, aller, avoir, faire, prendre, venir et mettre (v. ibid., p. 413). La différence s’explique sans doute, premièrement, par le fait que le corpus de Poplack provient d’une certaine variante du français, notamment le français parlé au Canada, dans la région d’Ottawa. Deuxièmement, et de manière plus décisive encore, le calcul mené dans le corpus de mon étude suggère que l’utilisation de pouvoir au subjonctif est particulièrement fréquente dans l’usage écrit. Or, le corpus de Poplack est parlé.

Dans l’ensemble des données, pouvoir est le seul verbe modal parmi les 20 verbes qui apparaissent le plus souvent au subjonctif.54 Par conséquent, il me semble pertinent de prêter attention aux cooccurrences de ce verbe avec le subjonctif. L’analyse de pouvoir au subjonctif éclairera le mécanisme s’agissant derrière l’interprétation du subjonctif, présenté dans la section précédente, ainsi que la diversité des facteurs contextuels affectant cette opération. En outre, je proposerai que la fréquence du verbe pouvoir au subjonctif témoigne de la valeur théorique du subjonctif, qui en soi ne permet pas de déterminer le degré de factualité d’un événement. Avant de me pencher sur les occurrences de pouvoir au subjonctif dans les données de cette étude, je ferai le bilan des propriétés syntaxiques et sémantiques de ce verbe.

Un verbe modal, tout en accompagnant un verbe qui est typiquement plus saillant par son contenu lexical, assure le marquage temporel et modal de la proposition, ce qui a

54 Le verbe savoir, qui figure à la place 10 de la liste, a tout de même également des emplois modaux.

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amené Wilmet (2007 : § 57) à considérer les verbes devoir, falloir, pouvoir, savoir et vouloir comme des « auxiliaires de modes ». Le Goffic (1993 : § 109) fait toutefois remarquer que, contrairement aux verbes auxiliaires avoir et être, qui apparaissent avec le participe passé, les verbes modaux accompagnent une construction infinitive. Ainsi, dans son classement syntaxique des verbes à complément direct, Le Goffic (1993 : § 183) place pouvoir parmi les « verbes de modalité pure », puisqu’il n’accepte comme complément qu’une construction infinitive, sans les indices de ou à. De plus, les verbes modaux se distinguent des auxiliaires à part entière par leur sémantisme. Enfin, si les verbes modaux étaient à inclure dans la catégorie des auxiliaires, cette dernière y perdrait dans sa pertinence, puisque les modalités ne s’organisent pas en une classe fermée. (Ibid.)

Par son sémantisme, le verbe pouvoir est remarquablement polysémique. En s’appuyant sur des arguments syntaxiques, Sueur (1979) a distingué deux grandes séries d’interprétations de pouvoir : les interprétations radicales, qui se divisent en trois sous-catégories – permission, capacité, possibilité (dynamique) – et les interprétations épistémiques. Suivant le modèle de Kleiber (1983), Le Querler (2001) ajoute à ces interprétations la sporadicité, quantification existentielle se paraphrasant par l’adverbe parfois (p. ex. Jean peut être odieux, ‘Jean est parfois odieux’). Tout en reconnaissant le bien-fondé du classement, Le Querler propose cependant de considérer ces interprétations comme s’organisant autour d’une valeur de base de pouvoir que l’auteur nomme

« possibilité abstraite » (ibid., pp. 20–21). L’interprétation de cette valeur de base peut être, par la suite, déterminée par des facteurs contextuels, en particulier par la spécificité du référent du sujet de pouvoir (v. ibid.), qui déclenchent une ou plusieurs des interprétations mentionnées ci-dessus, en plus desquelles le contexte discursif et situationnel peut amener d’autres effets de sens, tels que la concession (Elle peut pleurer, en tout cas je n’irai pas la voir) ou l’intensification (Ce qu’elle peut être agaçante !) (ibid.

pp. 22–23). Néanmoins, faute de spécificité référentielle du sujet, l’interprétation de pouvoir peut tout à fait rester à un niveau sous-déterminé de la possibilité abstraite (ibid., pp. 20–21). Dans ce qui suit, je proposerai qu’avec un sujet non-spécifique, le subjonctif puisse également contribuer à cette interprétation sous-déterminée de pouvoir.

Le sémantisme du verbe modal pouvoir peut en effet être comparé à celui du subjonctif, puisque la valeur qui sert de base à l’interprétation est, dans les deux cas, en priorité abstraite et, de ce fait, particulièrement versatile et perméable aux effets contextuels. Il est à noter que ces deux éléments diffèrent cependant sur le plan modal.

Exprimant la possibilité, quoiqu’elle soit abstraite, le verbe pouvoir modifie toujours la valeur de vérité de l’événement exprimé. Autrement dit, il se laisse analyser en termes de factualité. En utilisant pouvoir, le locuteur sous-entend plusieurs hypothèses, mais n’en exprime qu’une seule (Tasmowski & Dendale 1994 : 45), ce qui produit la valeur de possibilité.55 Par opposition, le subjonctif, comme nous l’avons vu dans la section

55 En outre, Tasmowski & Dendale (1994) distinguent entre pouvoirEA, qui sous-entend plusieurs alternatives, et pouvoirEB, qui n’en sous-entend que deux, p. ex. l’énoncé Abdoul peut être Koweitien a deux interprétations possibles : ‘Abdoul peut être Koweitien (ou Saoudien, ou Yéménite, ou Égyptien…)’ (pouvoirEA)ou bien ‘Peut-être qu’Abdoul est Koweitien, peut-être que non’ (pouvoirEB) (v. aussi Defrancq 2001).

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précédente, ne se soumet pas à l’analyse en termes de factualité. Il convient donc d’expliquer les effets de sens produits par la cooccurrence fréquente de ces deux éléments.

D’une manière semblable à son emploi avec d’autres types de verbes, le subjonctif ajoute une valeur théorique à l’interprétation de pouvoir : la possibilité exprimée par pouvoir est présentée à un niveau idéal, l’interprétation de cette possibilité théorique étant déterminée par les facteurs contextuels. Dans les exemples (34–36), la possibilité théorique est interprétée dans un sens radical, à savoir déontique ou dynamique.

L’exemple (34) contient le passage d’un article sur les perspectives financières de l’Union européenne. L’extrait présenté dans l’exemple (35) porte sur le président d’une association défendant les victimes de l’amiante. Dans l’exemple (36), il s’agit d’un extrait de conversation concernant l’usage corse selon lequel il fallait s’occuper des gens qui s’étaient déplacés pour participer à un enterrement.

(34) Le Parlement demande aussi que l’argent destiné à une rubrique, mais non dépensé, puisse être transféré dans une autre. (Presse, Le Monde, 24/2/2006, p. 8.)

(35) Il fallait le voir, lui, le fils sans histoires d’un couple berrichon de comptables, juché sur un camion, mégaphone à la main, dénoncer « cette injustice de classe, ce désintérêt manifeste pour des ouvriers qui ont perdu leur vie à la gagner », lors d’une manifestation qui avait réuni 4 000 victimes à Paris, le 15 octobre 2005. Comment comprendre que cet homme pudique et réservé ait pu faire corps avec l’histoire de ces milliers de gens, qui ont travaillé l’amiante à pleines mains pendant des décennies, en ignorant tout de sa dangerosité ? (Presse, Le Monde, 24/2/2006, p. 18.)

(36) C-ORAL-ROM, ffammn02, Coutumes en Corse

1 D : aux femmes on leur sert que le café. (0.5) et

2 les hommes sont dans les pièces à côté, ou chez les 3 voisins s'il y a pas assez de place, .hh et alors 4 ceux-↑là (.) i: o:n >les fait manger< COMME (0.7)

5 si c'étaient des gens qui étaient arrivés de très loin, 6 (0.3) et qu'il fallait nourrir (.) pour qu'ils puissent 7 euh (.) passer la nuit .h et en attendant le:

8 l'enterrement du lendemain.

Dans l’exemple (34), le verbe de la construction rectrice demander, non seulement ouvre un espace intentionnel, mais accomplit en plus l’acte de faire savoir cette volonté à quelqu’un, de manière à ce que la réalisation de l’événement qui fait l’objet de l’intention soit provoquée par ce dernier (v. PR s.v. demander I, 1.). La possibilité théorique est de ce fait envisagée ici comme une permission.56 Dans le contexte jouant sur des oppositions tel qu’il apparaît dans l’exemple (35), la forme subjonctive de pouvoir exprime une capacité du sujet (cet homme), lui permettant de concilier les parties présentées comme contraires, notamment ses propriétés personnelles (pudique, réservé) et l’objet de son travail (faire corps avec l’histoire de ces milliers de gens, qui [...]).Cette interprétation est motivée par le sémantisme du verbe recteur comprendre qui dénote ici ‘se faire une idée claire des

56 Pour une description de la valeur permissive, v. p. 170.

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causes, des motifs de l’enchaînement logique de (qqch.)’ (v. P.R. s. v. comprendre II.3).57 Par contre, dans l’exemple (36), il s’agit d’une possibilité qui provient de facteurs extérieurs au sujet, plus précisément des circonstances physiques : la satisfaction de la nécessité de se nourrir.

Dans les exemples suivants, pouvoir est interprété dans un cadre épistémique (37) et sporadique (38).

(37) Pour les pigeons voyageurs, oiseaux appelés par définition à se déplacer sur de longues distances, l’Afssa rappelle qu’on ne peut exclure que ces animaux puissent véhiculer le virus aviaire. (Presse, Le Monde, 23/2/2006, p. 8.)

(38) « Dès le Ve siècle de l’ère commune, le grec n’est plus parlé par personne », lit-on au début du tome II. Il est pourtant de notoriété publique qu’à cette époque, et jusqu’au Ve siècle bien entamé, des œuvres considérables sont rédigées en grec par des philosophes nommés, notamment Proclus, Hiéroclès, Damascius, Simplicius. Sans compter que Byzance continuera à « parler grec ».

Soyons généreux. Admettons que tout le monde puisse se tromper. (Presse, Le Monde, 24/2/2006, supplément, p. 8.)

Dans l’exemple (37), les deux négations qui s’annulent construisent un espace modal non-factuel dans lequel la forme subjonctive de pouvoir est interprétée : la valeur de vérité de l’événement est laissée ouverte (cf. exemple 31, p. 48). Dans l’exemple (38), extrait tiré d’une critique littéraire, le contenu de la construction subjonctive avec pouvoir est interprété comme étant sporadique (‘tout le monde se trompe parfois’), la proposition portant une valeur générique (v. Kleiber 1983). Le mécanisme s’agissant derrière l’interprétation d’une forme subjonctive reste donc le même, que le verbe au subjonctif soit pouvoir ou un autre. Seulement, dans le cas de pouvoir, la valeur d’une possibilité est toujours présente.

Une certaine polysémie persiste dans pratiquement toutes les occurrences de pouvoir.

Autrement dit, les autres interprétations possibles sont toujours potentiellement présentes, même si les facteurs contextuels (y compris la connaissance du monde) orientent vers un certain effet de sens. Par exemple, l’interprétation de la forme puissent, dans l’exemple (37), peut très facilement glisser vers la modalité dynamique, en résultat de quoi l’événement est envisagé comme une capacité.

La valeur de pouvoir au subjonctif est particulièrement abstraite dans les contextes où l’élément apparaissant à la place du sujet de pouvoir assure une référence non-spécifique et où le sémantisme du constituant recteur, notamment de son verbe, n’est pas conforme à une des interprétations propres à pouvoir (v. ci-dessus). Selon les termes mêmes de Le Querler (2001 : 20, 23), l’interprétation de pouvoir reste alors proche de sa « valeur de base sous-déterminée ». Regardons de plus près ces contextes.

D’abord, le sujet de pouvoir est le pronom indéfini on (cf. Le Querler ibid., pp. 20, 24) ou un SN indéfini. Le pronom on peut, dans certains contextes, être porteur d’une référence personnelle, mais même dans ce cas sa valeur de base indéfinie ne disparaît pas complètement (Rabatel 2001 : 32 ; Fløttum 2003 : 118–119). Dans tous les cas, le locuteur

57 V. l’analyse de l’exemple (66), p. 89, v. aussi exemples (40), (43), (45) et (76).

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peut exprimer sa propre inclusion ou exclusion par rapport aux référents de on (v., p. ex., Fløttum 2003). Dans les données analysées pour la présente étude, le pronom on apparaît comme sujet dans environ 20 % de la totalité des occurrences de pouvoir au subjonctif. Il est intéressant de constater que, lorsqu’elle apparaît avec le pronom indéfini, la forme subjonctive se rapproche par son interprétation de l’infinitif sur l’axe illustrant l’actualisation linguistique de l’événement, car la différence majeure entre ces deux modes, à savoir la référence personnelle, fait alors défaut, ou est pour le moins effacée. En second lieu, la fonction de constructeur d’espace de ces formes subjonctives est assurée par un élément qui implique une interprétation factuelle. Dans le corpus présent, ces constructeurs d’espace sont des éléments admettant un complément, notamment des expressions d’évaluation.

Examinons quelques exemples de contextes où pouvoir apparaît au subjonctif avec le pronom on comme sujet, en accordant un intérêt particulier au degré d’actualisation assuré par ces propositions. Les exemples (39) – (42) offrent également une illustration de la variation au sein des propriétés référentielles du pronom on.

(39) C-ORAL-ROM, ffamdl03, Sylvain et Christine

1 C : .hhh (h)ah bé oui:(h) j’avais du mal euh c’était 2 difficile le p(h)auvre. .hh

3 (0.3)

4 C: mais euh VOILA et puis bon c’est vrai que: c’était euh,(.) 5 S: .h mais ce qu-=ce qui est quand m- moi ce que je trouve 6 quand même extraordinaire, (.) c’était qu’on puisse 7 à la fois vivre un amour euh complet,

8 (.) 9 C: mm

10 S: puisque bon on s’aimait on arrivait à s’aimer euh, 11 (.)

12 S: comme les autres peuvent s’aimer quand ils so:nt (.) .hh 13 enfin quand il y a rien qui les retient quoi.

14 (0.8)

15 S: et d’un autre côté, bé ell-=elle était quand même 16 rattachée donc elle savait qu’elle était pas libre,

(40) Je ne comprends pas ce qui justifie le fait de regrouper des jeunes filles sous prétexte qu'elles ont un ascendant ayant été décoré de la légion d'honneur ... (Je ne comprends pas non plus d'ailleurs que l'on puisse souhaiter recevoir ce genre de médaille, mais c'est un autre problème ...) (Internet, LEGION.)

(41) tout à fait d'accord avec vous, j'ai une petite fille de 12 ans et franchement je n'arrive pas à imaginer que l'on puisse enfermer des enfants de son âge !!

d'après Carole Bouquet qui milite depuis 15 ans dans une association qui protège les droits des enfants, et que j'ai entendu hier à Canal , les enfants qui poseraient problème représenteraient 0,3 % de la population française ...

alors trouvons une solution pour ces enfants-là mais arrêtons de parle de prison !! (Internet, PRISON.)

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(42) J'ai moi aussi essayer de trouver l'ame soeur sur ce genre de site. Je pose le même constat que pas de monde. Il y a bon nombre d'hommes en quête d'une aventure sexuelle. Les hommes mariés et des célibataires.

Je regrette que l'on puisse faire des rencontres en donnant tant de détails sur l'être rêvé. On a toutes conscience que personne n'est parfait mais dans ce "marché", personne ne révèle ses défauts, ses tares ou il les minimise.

Par contre, je tiens à préciser que certains hommes (ils sont rares malheureusement) sont en réelle quête de la femme de leur vie. (Internet, MEETIC.)

L’extrait présenté dans l’exemple (39) est tiré d’une conversation où un couple, C et S, raconte le début de leur relation. Le pronom on est ici inclusif, quoique le groupe auquel le locuteur s’inclut ne soit pas tout à fait défini : il peut s’agir d’une référence à la première personne du pluriel, c’est-à-dire à C et S, ou d’une référence générique. Dans les exemples (40–42), on est plus clairement exclusif : le locuteur exprime une évaluation négative envers les actions des autres.

Dans le corpus de textes académiques étudié par Fløttum (2003 : 118–119), la référence de on était rendue plus spécifique par certaines expressions métatextuelles (qui spécifient que le locuteur se réfère à soi-même par on), ainsi que par le sémantisme et les temps du verbe, notamment le futur et le passé composé. Or, si l’on compare ces derniers facteurs à l’objet de l’étude présente, on peut observer que, avec le verbe modal pouvoir au subjonctif, le pronom on se trouve dans un contexte où le sémantisme et la valeur temporelle du verbe sont particulièrement non-spécifiques. Autrement dit, dans les constructions avec on, pouvoir et le mode subjonctif, trois éléments portant une valeur abstraite se rencontrent. La valeur indéfinie du pronom on s’ajoute donc à la valeur de possibilité théorique de pouvoir au subjonctif, rendant l’interprétation de la construction ainsi encore plus accessible aux facteurs contextuels. Dans les exemples (40–42), et éventuellement dans l’exemple (39), la construction s’interprète comme générique, ce qui les rend comparables à un autre type de constructions subjonctives, à savoir celles où le sujet est un SN indéfini.

En effet, quoique les constructions avec pouvoir au subjonctif dans lesquelles un SN indéfini occupe la place du sujet présentent un degré plus élevé de spécificité que celles où le pronom on fait office de sujet, j’ai observé que le SN indéfini qui occupe la position de sujet d’une forme subjonctive de pouvoir est interprété comme générique (cf. Le Goffic 1993 : § 85), c’est-à-dire comme faisant une référence non-spécifique. Cela est sans doute dû à la valeur modale de pouvoir qui empêche l’interprétation spécifique du SN indéfini.

Puisque, avec pouvoir, en plus de la possibilité évoquée, les autres possibilités sont toujours potentiellement présentes, le sujet indéfini ne peut pas faire référence à un seul individu faisant partie de la classe dénoté par le SN. Il fait forcément référence à l’ensemble de cette classe (cf. Riegel et al. 2004 [1994] : 153). Au lieu d’introduire un nouveau référent, un SN indéfini assure donc dans ces contextes la référence générique.

Par un élément générique, le locuteur réfère à des événements et entités qui sont soit atemporels, c’est-à-dire que la question de temps n’est pas concernée, soit temporellement

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limités mais non-déictiques (Lyons 1977 : 680–681).58 La référence est donc non-spécifique : les expressions génériques ne se réfèrent pas à un événement ou à une entité particuliers à un point temporel précis (Givón 1989 : 177).

En conséquence, les SN indéfinis forment avec pouvoir au subjonctif une construction semblable à celles où le pronom indéfini on s’associe aux formes subjonctives de pouvoir.

C’est le cas dans les exemples (43–45), tirés de forums de discussion. L’extrait présenté dans l’exemple (43) est une réaction à un article concernant le site de rencontres Meetic, ainsi qu’aux contributions des autres participants du forum concernant cet article. Le message reproduit dans l’exemple (44) est publié au seuil des élections présidentielles aux États-Unis. Enfin, dans l’extrait (45), un des participants à un forum critique le système des Maisons d'Éducation de la Légion d'honneur.

(43) Incroyable ! j'étais déjà pas très motivée pour m'inscrire sur un site de rencontre car je pense qu'on peut encore trouver son âme soeur sans passer par le net...et bien là je suis pas encore prête de créer mon pseudo sur meetic. Ca fait peur. Etant adepte inconditionnelle de la fidélité - j'ai du mal à comprendre qu'un homme marié puisse s'inscrire sur ce site... c'est afligeant. Mais où va-t-on ?... (Internet, MEETIC.)

(44) Je vois en Obama, le renouveau des USA et l'éperance de tout un monde. Les americains regretteront de ne pas lui donner sa chance. En tout cas,Toute la jeunnesse americaine est derrière lui,seuls les vieux blancs, qui n'arrivent tj pas à accepter qu'un noir puisse diriger le pays, ne voteront peut ètre pas pour lui. Cependant, Je pense que dans quelques semaines,OBAMA sera le nouveau Commandant en chef des armés des USA. (Internet, OBAMA.)

(45) Vous pouvez comprendre mon amertume. Que des parents qui paient cher un lycée privé puissent espérer un meilleur encadrement de leur enfant je le comprends. Mais qu'un

(45) Vous pouvez comprendre mon amertume. Que des parents qui paient cher un lycée privé puissent espérer un meilleur encadrement de leur enfant je le comprends. Mais qu'un